Débarqué au sein de la formation AG2R La Mondiale en cette saison 2017, Julien Duval, 26 ans, est épanoui au plus haut niveau du cyclisme mondial. Alors que les classiques flandriennes viennent de s’achever, la rédaction d’Au Stade est partie à sa rencontre.
Au Stade: Pour commencer cette interview, peux-tu te présenter brièvement à nos lecteurs ?
Julien Duval: Je m’appelle Julien Duval, j’ai 26 ans, je suis né à Evreux dans l’Eure. J’ai été diplômé en novembre 2016 d’un diplôme en pédicure et podologie. J’attaque en 2017, avec AG2R La Mondiale, ma 5e année en tant que cycliste professionnel.
Tu as déjà quatre années de professionnalisme derrière toi en division Continentale (deux saisons à Roubaix-Lille Métropole et deux à l’EC Armée de Terre). Migrer en World Tour, ça change quoi concrètement ?
Déjà, les courses sont différentes. Ce sont des courses qui font rêver tout le monde, que tout le monde regarde à la télé. Par ailleurs, tout est vraiment démultiplié; le staff, le matériel, les reconnaissances, le nombre de jours où l’on part de la maison, les stages… Tout est axé sur la performance. Tout est fait pour que le coureur soit performant le jour-j en fait.
Avais-tu reçu d’autres propositions au sortir de ta très bonne saison 2016 avec l’Armée de Terre (huit tops 10 en courses de classe 1 l’année passée) ?
Non, il n’y avait que AG2R La Mondiale qui me proposait quelque chose de concret, et cela s’est fait tardivement, en fin de saison, vers la mi-octobre.
Les flandriennes sont des courses où l’expérience joue beaucoup, où il faut connaître toutes les routes, le moindre virage, limite le moindre caillou sur la chaussée »
Julien Duval
Tu as avant tout été recruté pour les classiques flandriennes 2017, qui ont pris fin avec Parix-Roubaix ce mois-ci. Avec un recul de quelques jours, comment analyses-tu ta campagne personnelle en Flandres ?
C’était très bien, j’ai découvert de superbes courses. Des courses que je n’avais pas du tout connues par le passé car en Continentale on n’a pas accès à ce genre d’évènements. Pour une première année, je pense que j’ai fait une très bonne campagne de flandriennes. J’ai pris énormément de plaisir sur l’ensemble des courses et j’espère que dès 2018 je pourrai de nouveau y participer et y briller un peu plus que cette année.
Ton leader, Oliver Naesen, recruté cet hiver en provenance de la IAM, semble avoir l’étoffe des meilleurs classicmen mais n’a décroché qu’un seul podium, sur le Grand Prix E3. Comment expliques-tu cela ?
Je pense que pour quelqu’un comme Oliver, c’est déjà très bien d’avoir obtenu un premier podium. Il n’était pas habitué à jouer avec les meilleurs dans les finaux de courses. Après, il n’a pas du tout eu de chance dans les Flandres; il chute sur le Tour des Flandres avec Sagan et Van Avermaet dans le dernier passage du Vieux Quaremont, à 15 kilomètres de l’arrivée, et, je pense que sans cette chute, il aurait pu jouer un podium. C’est quand même un des plus gros monuments du vélo, ce n’est pas rien. De même, il manque de chance sur Parix-Roubaix; il a crevé au moins cinq fois, il a changé trois fois de vélo… Et sur ce genre de courses, le moindre effort se paie à l’arrivée. Et, je pense que sans cette malchance il aurait pu obtenir un top 5 sur Parix-Roubaix. Au final, je pense qu’on a réalisé une bonne campagne en Flandre avec AG2R La Mondiale, mais avec un goût d’inachevé vis-à-vis de la malchance sur les deux derniers monuments.
AG2R La Mondiale a beaucoup recruté pour obtenir des résultats sur ces classiques, avec l’arrivée de coureurs belges notamment (Stijn Vandenbergh, Oliver Naesen…). En parallèle de ce « goût d’inachevé », penses-tu que les résultats aient été satisfaisants ?
On va dire que c’est satisfaisant à la vue de ce qu’avait connu AG2R La Mondiale lors des années précédentes, où l’équipe était spectatrice des courses. Cette année, l’équipe a véritablement été actrice. Et puis, on a manqué de chance comme je l’ai dit, c’est évident. Surtout que Stijn (Vandenbergh, ndlr) a été blessé en début de saison, sa préparation avait été très retardée. Il a aussi chuté sur le Grand Prix E3, à cause de quoi il a mis entre parenthèses le Tour des Flandres et Roubaix. Je pense que l’année prochaine le groupe sera encore plus fort, en espérant que la roue tournera et que l’on pourra jouer la gagne sur les gros monuments des Flandres.
On a pu te voir à l’avant, au sein de l’échappée, sur le Tour des Flandres par exemple. Que te manque-t-il pour passer un palier ?
De l’expérience avant tout. Ce sont des courses où l’expérience joue beaucoup, où il faut connaitre toutes les routes, le moindre virage, limite le moindre caillou sur la chaussée. Il faut des années pour réussir des courses comme celles-ci, on le voit par exemple avec des coureurs comme Boonen ou Van Avermaet, qui ont déjà fait dix fois ces monuments. Et ils font encore des reconnaissances, ils habitent près du Vieux Quaremont, et en plus de cela ils s’entraînent sur ces routes… Il faut s’imprégner ces courses, avec le temps je serai meilleur. Et puis, cette année, je découvrais le World Tour, ce n’est pas forcément simple de s’adapter, c’est un autre niveau, une autre façon de courir. Il faut laisser le temps au temps. Maintenant que je connais le niveau et la dynamique de ces courses, je pourrai m’exprimer pleinement l’année prochaine.
Je ne ferme pas la porte à la piste »
Julien Duval
Tu as été par le passé un pistard accompli avec plusieurs titres de champion de France à ton actif (omnium, Américaine, poursuite…). Mais, en ce mois d’avril, tu n’es pas parti à Hong Kong avec l’équipe de France pour les championnats du Monde. La piste, c’est fini pour Julien Duval ?
Ce n’est pas fini, je ne ferme pas la porte. C’est vrai que cette année ce n’était pas du tout jouable étant donné que j’étais nouveau à AG2R et que j’avais été recruté pour les flandriennes. C’est compliqué de jumeler route et piste, surtout avec des longs trajets comme Hong Kong… Après, comme je l’ai dit, je ne ferme pas la porte à la piste. Disons que je vais privilégier la route les prochaines années. Je vais peut-être faire des compétitions sur piste comme un championnat de France ou un championnat d’Europe, ou des coupes du Monde proches de l’Europe, pourquoi pas. Mais il faudra que ces compétitions concordent avec le calendrier sur route. Mais J’ai gardé de très bonnes relations avec l’entraîneur national Steven Henry, on se téléphone souvent pour comparer nos programmes, voir si j’ai un petit trou pour faire de la piste. Donc je dirai que je ne suis pas « plus membre » de l’équipe de France entre guillemets, mais pour le moment c’est difficile.
Est-ce qu’une équipe comme l’EC Armée de Terre était plus conciliante avec un aménagement de calendrier, par exemple ?
Oui, c’est sûr. L’Armée a 19 coureurs, un calendrier professionnel beaucoup plus light que AG2R La Mondiale. Au sein de l’Armée on peut libérer 2-3 coureurs pour qu’ils aillent sur la piste. Si on regarde le programme qu’ils ont actuellement, ce ne sont que des courses d’un jour, et puis il n’y a qu’un front. Le problème du World Tour est que le calendrier est déjà très chargé, plus toutes les coupes de France et les autres courses françaises. Au sein de l’équipe par exemple, il y a des week-ends où il y a trois fronts. Donc 3 fois 8 coureurs ça fait 24, donc 24 sur un groupe de 30 coureurs c’est compliqué de lâcher 2-3 gars pour aller faire de la piste. Surtout que les courses sont souvent atypiques; sur un Tour des Flandres on ne mettra pas un grimpeur, et sur des courses de grimpeurs on ne mettra pas un flandrien. Dans l’ensemble, c’est très compliqué de jumeler route et piste, surtout en World Tour.
La campagne de classiques flandriennes terminée, quel est le programme pour toi à partir du mois de mai ?
Là, je vais m’accorder quelques jours de repos en guise de récupération. Je reprendrai le 1er mai sur le Grand Prix de Francfort, et ensuite je participerai aux 4 jours de Dunkerque (du 9 au 14 mai, nldr), puis au Grand Prix de la Somme (le 21 mai, ndlr).
Crédits photo à la une: Vincent Curutchet