L’Open d’Australie vient d’adopter un super tie-break à 6-6 au 5e set, laissant donc Roland-Garros comme seul Grand-Chelem sans jeu décisif lors du dernier set. Cette évolution suit celle de Wimbledon et est le fruit d’une volonté des autorités mondiales du tennis d’en moderniser les règles.
Le tennis est en train d’évoluer sous l’impulsion de ses instances dirigeantes et l’on pourrait bien assister petit à petit à une révolution, au niveau des règles et des formats des matchs. En effet, face aux nouveaux enjeux économiques, un besoin de moderniser ce sport s’est fait ressentir. Celui-ci doit être plus bankable, faire vendre plus, tout simplement être plus attractif. En ce sens le format des matchs est actuellement vu comme un frein car trop long et trop ennuyeux, surtout en Grand Chelem. C’est pour cela que de nouvelles règles ont été testées par l’ATP lors des éditions 2017 et 2018 du Masters Next Gen, compétition amicale entre les meilleurs joueurs de moins de 21 ans du circuit. Ces règles pourraient donc être adoptées dans le futur et transformer les matchs du circuit ATP, suivant l’évolution déjà enclenchée par les tournois du Grand Chelem. Effectivement, tous, à l’exception du Roland-Garros, ont choisi d’instaurer un jeu décisif dans le 5e set; le dernier en date étant l’Open d’Australie qui a annoncé cela ce 21 décembre. Retour sur ces nouvelles règles qui voient ou pourraient voir le jour.
Le tie-break au 5e set en Grand Chelem
Le record de Mahut et Isner est sur le point de s’inscrire dans l’histoire pour l’éternité. En effet les tournois du Grand Chelem ont presque tous aboli les cinquièmes sets à rallonge, et Roland-Garros, encore une fois en retard, devrait sûrement suivre le pas dans les années à venir. Ce tie-break dans le 5e set fait débat depuis de nombreuses années (il a été introduit pour la première fois à l’US Open en 1970), et c’est finalement la volonté de raccourcir les matchs qui a été privilégiée. Mais ce choix n’est pas dicté que par des raisons économiques, au contraire des autres changements visant à réduire la durée des rencontres (la longueur de ceux-ci est vue comme non-attractive).
Il est aussi poussé par les joueurs qui, pour certains, n’en peuvent plus de ces défis physiques qui leur sont imposés, à l’instar de Novak Djokovic. Beaucoup moins controversée que celle de la Coupe Davis, cette réforme n’en fait pas moins débat. Mais la demi-finale de 6h36 entre John Isner et Kevin Anderson à Wimbledon a finalement définitivement fait pencher la balance. L’instauration du tie-break au 5e set trouve d’ailleurs des partisans même chez les plus attachés aux « traditions ». Il est vrai qu’elle dénature beaucoup moins le jeu que certaines règles testées au Masters Next Gen. Mais elle pose un souci majeur car, avec l’abolition du principe de deux jeux d’écart, elle rend possible de gagner un match en Grand Chelem sans breaker une seule fois. D’autres trouvent aussi qu’il est dommage qu’un combat aussi long se termine par un jeu décisif, plus aléatoire. Le vrai problème est plus la tendance dans laquelle elle s’inscrit. La prochaine étape pour réduire la durée des matchs dans les quatre majeurs pourrait être de supprimer les matchs en 5 sets. Et il est très inquiétant de voir que la fin de ce format mythique trouve des partisans influents, encore une fois Novak Djokovic.
Les nouvelles règles testées au Masters Next Gen
Cette réforme rentre donc dans le cadre des évolutions du tennis souhaitées par les instances dirigeantes. Plusieurs d’entre elles, inédites, ont été testées par les grands espoirs du tennis mondial à Milan lors du Master Next Gen 2017 et 2018. Si certaines devraient être introduites à court ou moyen terme, d’autres pourraient ne jamais voir le jour sous peine de faire face à une très forte opposition du milieu. Le shot clock, chronomètre pour vérifier l’application des 20 secondes de pause entre chaque point (25 en Grand Chelem), a déjà été utilisé pendant la saison 2018 et son emploi devrait se généraliser en 2019. Le no let est aussi dans l’air depuis un moment et le monde du tennis y est de manière générale plutôt favorable. L’innovation la plus moderne entrevue à Milan ces deux dernières années est l’arbitrage en direct par la technologie du Hawk-Eye, supprimant donc les juges de ligne. Le système a déjà montré sa fiabilité, les joueurs lui font confiance et ces juges de ligne coûtent extrêmement cher à l’ATP. Il n’y a donc aucune raison pour que cela ne soit pas adopté dans les années à venir. Et enfin la possibilité de faire appel à son coach une fois par set est déjà présente sur le circuit féminin, pourquoi l’interdire sur le circuit masculin ? A l’inverse, les trois dernières règles proposées sont motivées uniquement par des raisons économiques: attirer les (télé)spectateurs.
La première est d’autoriser le public à se déplacer pendant les points. Les joueurs ont d’ores et déjà pris position contre, le tennis étant un sport ou la concentration est primordiale. Les deux autres visent à raccourcir la durée des matchs: le no ad (à 40A le jeu se termine par un point décisif) et les sets de 4 jeux. Il est clair que ces deux changements modifieraient de manière brutale le déroulement des matchs et ils ne sont d’ailleurs pas près de voir le jour. Pour ce qui est du no ad, il serait vraiment dommage de réduire le bras de fer psychologique qui s’engage après plusieurs égalités à un point loterie. D’autant plus que cela aseptiserait le déroulé des sets, alors que ces jeux à rallonge donnent du piment à certains débuts de manche qui en manquent parfois cruellement. Et enfin les sets à 4 jeux, fortement soutenu par Chris Kermode le président de l’ATP, dénatureraient totalement le tennis, avec une importance accrue du service et des matchs en 7 ou 8 sets (en Grand Chelem). Le rythme serait totalement différent et l’on perdrait en partie la notion de combat d’usure physique et psychologique. Fort heureusement ces mesures, contraire aux principes de ce sport, n’ont aucune chance d’être adoptées à court ou moyen terme. Mais la face du tennis pourrait bien être très différente de celle que l’on connaît actuellement dans 15 ans.
Crédits photo à la Une: Stan Wiechers