Rudy Barbier (23 ans), nouveau coureur de l’équipe AG2R La Mondiale, a accepté de répondre aux questions d’Au Stade. Celui qui fait partie des meilleurs sprinteurs français de sa génération a réalisé une saison 2016 ultra-prolifique avec plusieurs succès de renom sur la scène nationale. Interview.
Pour commencer l’interview, peux-tu te présenter brièvement à nos lecteurs ?
Je m’appelle Rudy Barbier, j’ai 23 ans, et je suis le sprinteur de l’équipe Roubaix-Lille Métropole depuis trois ans. J’ai commencé le cyclisme à l’âge de 13 ans.
Après avoir passé trois saisons avec l’équipe Roubaix-Lille Métropole (Continentale) comme tu l’as dit, tu as signé au mois d’août un contrat de deux ans avec l’équipe AG2R La Mondiale (World Tour). Un aboutissement vis-à-vis de ta saison 2016 riche en succès ?
Oui, tout à fait. Il a fallu que je reste concentré tout au long de cette saison, et je pense qu’on peut le dire; c’est un aboutissement personnel, mais aussi un aboutissement pour Roubaix-Lille Métropole car ce sont qui m’ont formé, qui m’ont donné ma chance… C’est donc un aboutissement pour tout le monde. Nous avions l’objectif commun de me faire évoluer [en changeant notamment d’équipe, ndlr] en fin de saison, et nous avons réussi notre pari.
Tu as réalisé un mois de mars 2016 exceptionnel: victoire au sprint sur la course Paris-Troyes, puis victoire lors de Choley-Pays de la Loire, tout en terminant deuxième – juste derrière Sam Bennett (Bora-Argon 18) – lors de la première étape du prestigieux Critérium International. Physiquement, était-ce dur d’enchaîner toutes ces courses ?
C’était dur, en effet. J’ai eu un petit contrecoup après le Critérium International, avec le décès [d’un infarctus, ndlr] de mon ami et coéquipier Daan Myngheer. Ça n’a pas été facile… J’ai pris un coup de massue, mais derrière il fallait tout de suite se reconcentrer. Nous avons été très bien encadrés par l’équipe et le staff, ce qui nous a permis d’enchaîner ces bons résultats.
Tu penses que c’était le bon moment pour toi de partir et poursuivre ta progression ?
Oui, totalement. Déjà, ce fut un moment choisi bien à l’avance, ce qui est important. Ensuite, Vincent Lavenu [manager de l’équipe AG2R La Mondiale, ndlr] a approché mon agent, et tout s’est bien passé, qui plus est rapidement. C’était vraiment un objectif prioritaire pour moi d’évoluer dans le rang World Tour en 2017.
Ton petit frère Pierre (19 ans), a terminé la saison avec toi, en devenant stagiaire professionnel au sein de la team Roubaix-Lille Métropole. Le piston ça marche fort chez les Barbier, non ?
Oui on peut dire ça ! (rires) Plus sérieusement, au cours de son stage, il a pu découvrir l’écart qu’il y a entre les espoirs, enfin le niveau amateur, et les pros. Mais il a très bien passé ce petit test de deux mois, au service de l’équipe, en l’occurrence à mon service dans le final. Même s’il a été vite arrêté dans le Tour du Poitou-Charentes, à l’approche du sprint, certainement dans les vingt derniers kilomètres. En plus de cela, il s’est cassé la scaphoïde [partie du poignet, ndlr], mais il s’est vite remobilisé et il a pu démontrer qu’il avait envie de ne pas finir la saison là-dessus. Il a d’ailleurs fait deuxième au Trophée des Champions, ce qui prouve qu’il a un gros mental.
Quelles étaient vos relations ? Tu le traitais comme un coéquipier lambda, ou comme ton petit frère ?
Je pense que j’étais plus dur avec lui qu’avec les autres ! (rires) Je m’en suis rendu compte bien après. En fait, il ne fallait pas faire de différence, mais je me suis tellement concentré là-dessus que, finalement, j’étais plus exigeant avec lui. C’était un super moment. Il fallait qu’il prouve qu’il était là grâce à ses qualités, et non pas parce que c’est mon frère. Et je pense qu’il a fait ce qu’il fallait, car le groupe et le staff en étaient très contents. C’est bien pour la suite de sa carrière.
Il a ensuite signé chez l’équipe BMC Development, réserve de la prestigieuse BMC Racing Team (World Tour). Un bon choix, à ton avis ?
Lui et seulement lui seul a pris cette décision. Après, à mon avis, c’était le meilleur choix possible pour apprendre, s’aguerrir, et se confronter aux meilleurs. Je pense qu’il fallait partir en Belgique, où la formation est de très bonne qualité. En France, il y a quand même de très bonnes équipes, je pense notamment à Vendée U, le CCF Chambéry, ou encore BIC 2000 qui a malheureusement disparu. Mais je pense qu’il a fait le meilleur choix en partant à l’étranger, et ce n’est pas le seul; le petit Turgis [Tanguy, frère d’Anthony coureur professionnel chez Cofidis] a aussi rejoint BMC Development Team. En plus, ils ont un projet à long terme avec Pierre.
En parlant de choix de carrière, as-tu reçu d’autres propositions en dehors de celle d’AG2R La Mondiale ?
J’ai eu la chance d’avoir de nombreuses propositions, notamment avec des équipes en Continentale Pro. Après, je n’en sais pas forcément plus. Ça c’est surtout fait avec mon agent, qui m’a proposé AG2R. Je lui avais dit ce que je recherchais exactement. Et quand ils ont commencé à discuter avec mon agent, il m’a dit qu’ils répondaient à toutes mes exigences. Ça c’est très vite fait. Je pense que AG2R La Mondiale était le meilleur choix possible.
Y avait-il d’autres équipes World Tour sur les rangs ?
C’est une histoire d’approches, de paroles, de discussions… C’est mon agent qui gère ça, et je n’en sais clairement pas plus.
Te considères-tu comme le quatrième sprinteur français derrière le trio Coquard-Bouhanni-Démare ?
Je pense qu’il me reste du travail pour arriver à leur niveau. Pour moi, ma carrière va débuter la saison prochaine, même si j’ai déjà fait mes preuves auparavant. En me recrutant, Vincent Lavenu sait qu’il va falloir mettre des choses en place pour moi. Maintenant, ça va prendre du temps. Mais je n’aurais pas les cartes en main car je sais très bien que je n’aurais pas une équipe dévouée à 100% pour moi du fait qu’il me reste à prouver au très haut niveau. Il va y avoir des coureurs de qualité, qui ont un grand vécu… Je ne peux que progresser avec eux !
Vincent Lavenu, manager de l’équipe AG2R La Mondiale, a déclaré qu’il «comptait sur toi pour les Classiques pavés». Quels sont tes objectifs pour cette saison 2017 ?
Découvrir les grandes classiques, car plus tôt on les découvre, plus tôt on y performe. J’aime ces courses et j’ai hâte d’y participer. C’est le moment pour moi de grandir, et l’équipe comptera sur moi dans ces courses. Maintenant, je saurais me dévouer au collectif et me mettre au service de mes coéquipiers en temps voulu.
Où en es-tu dans ta préparation ?
Pour l’instant, je n’ai pas encore coupé. Je ne suis pas quelqu’un qui fait 40 000 kilomètres dans l’année, donc je ne ressens pas le besoin psychologique d’arrêter le vélo et de faire un vrai break. J’aime le vélo, et j’aime en faire. De toutes manières, on va sans doute procéder par micros coupures avec les préparateurs d’AG2R La Mondiale pour être prêt dès le mois de janvier. Et pour cela, ça oblige d’être rigoureux pendant l’hiver. A l’heure actuelle, je lève quand même le pied en participant à des séances de cyclo-cross, et en faisant des semaines légères, et d’ici trois semaines, je reprendrais très sérieusement l’entrainement avant d’entamer le stage avec toute l’équipe.
Maintenant que tu appartiens à une équipe World Tour, tu peux participer aux plus belles courses du monde. Laquelle te fait le plus rêver ?
Le Tour de France, clairement. Après mes trois années passées à Roubaix, j’ai eu le temps d’y penser. C’est vraiment l’évènement qui fait que je me lève tous les matins, pour que je puisse un jour remporter une étape du Tour. Maintenant, ça va arriver plus ou moins vite. Ça dépendra aussi des priorités de l’équipe.
Crédits photo à la une: Mathilde L’Azou