Le 3 mai 2015 dernier, en clôture de la 11ème journée de Primera division, Boca Junior a remporté le « Superclasico » contre son ennemi de toujours, River Plate (2-0). L’occasion pour Au Stade de partir à la découverte de la « Bombonera » stade atypique et mythique situé au cœur du quartier historiquement pauvre de Buenos Aires, la Boca. Une enceinte prête à exploser pour les exploits des Xeneizes (Les Génois), seule équipe à n’avoir jamais quitté l’élite depuis son accession en 1913. Une ferveur populaire qui si elle transcende souvent des joueurs dont on exige qu’ils posent leurs « huevos » sur le terrain, se transforme souvent en hystérie collective, à l’ image des terribles et polémiques « barras bravas ». Bienvenue chez les poètes du ballon rond.
Estadio Alberto J. Armando, cela ne vous dit rien ? C’est normal, car il est plus connu sous le nom de « la Bombonera », littéralement « la bonbonnière ».. Il, c’est l’antre du Club Atlético Boca Juniors, « Boca » tout court, pour les intimes. Vu d’Europe, ce n’est qu’un stade Sud-Américaine parmi tant d’autres, où l’ambiance y est chaude les soirs de match de l’équipe locale. Mais pour les hinchas (supporters) de Boca et pour les personnes qui ont eu la chance (ou la malchance, c’est selon) d’y pénétrer un soir de match, c’est bien plus que ça. Personne ne ressort indifférent de ce lieu culte. « La Bombonera, c’est un condensé de l’Argentine avec ses bons et ses mauvais côtés », dit d’elle Omar Da Fonseca, enfant de Buenos Aires. Alors, la bombonera, paradis ou enfer ?
Avant de mourir, il faut avoir connu la Bombonera
La Boca, barrio (quartier) pauvre et touristique à la fois de la capitale Buenos Aires, est étendu autour de l’embouchure du fleuve Riachuelo. Si la nuit il est fortement déconseillé de s’aventurer aux pieds des tours, bidonvilles et autres maisons abandonnées qui le compose, la journée, la Boca et ses 45 000 « Boquenses » (nom donné à ses habitants) c’est aussi un quartier charmant, vivant, contrasté, décoré : tout ce qu’il y a de populaire en somme. Au milieu des maisons colorées qui attirent de nombreux touristes occidentaux en mal d’authenticité surgit un immense édifice jaune et bleu : la « Bombonera ». Première anecdote : savez-vous quelle est l’origine des couleurs du club de Boca Junior ? La légende nous narre qu’en 1905, de jeunes hommes qui s’ennuyaient secs et désireux de faire du sport, fondèrent le club en lui donnant le nom de leur quartier. Décidément en manque d’inspiration et ne sachant quelles couleurs choisir pour leur équipe, l’idée d’élire les couleurs du premier pavillon se présentant au port fut émise. Le bateau suédois qui passait par là ne se doutait pas qu’il venait de définir les couleurs de ce qui sera l’un des plus grands clubs de football du XXème siècle. Mais revenons à la bonbonnière. Ce stade mythique – qui tire son nom de la forme particulière de ses tribunes, qui rappellent les coffrets à bonbons de l’époque qui s’ouvraient sur le côté : c’est José Luis Delpini lui-même, l’ingénieur ayant conçu le stade, qui l’aurait baptisé ainsi – dont n’importe quel amateur de football dans le monde connaît le nom. Et la réputation. «Avant de mourir, il faut avoir connu la Bombonera.» Avec son sens de la mesure légendaire, Omar Da Fonseca plante le décor. En toute objectivité, bien sûr. Lui l’enfant de Buenos Aires, ville de football et de passion par excellence. Pour chaque match à domicile, les travées de la bonbonnière – sont la capacité « officielle » est estimée à 49 000 places – trouvent toujours preneur, et les supporters se pressent aux alentours du stade plusieurs heures avant – via « el 152 « (le numéro du bus qui amène à la Boca) – donnant au quartier une ambiance indescriptible, jusqu’aux murs extérieurs du stade criblés de peintures de l’artiste Pérez Célis, à l’effigie des plus célèbres joueurs du club et différents aspects de la culture du quartier.
L’enceinte rassemble toutes les classes sociales de Buenos Aires dans une ambiance chaleureuse pour ne pas dire électrique. Entre passion et addiction. «Il y a un proverbe en Argentine qui dit qu’on peut changer de femme, de maison, de voiture mais pas de club», continue Da Fonseca. Appelés «los bosteros» (les bouseux) par les supporters adverses – et notamment ceux de l’ennemis River Plate – en référence à l’odeur qui émane du Riachuelo, la rivière située à proximité du stade, les supporteurs du club rivalisent d’inventivité dans leurs nombreux chants pour soutenir leur équipe dans une enceinte où il est proscrit de s’asseoir sous peine…de ne rien voir de la rencontre ! Le folklore est partout, incessant et enivrant. Aux touristes avides de sensations fortes, il est fortement déconseillé de venir avec des objets de valeur, voire même de venir tout court, surtout dans les travées dites « Popular » – nos « virages », en Europe. D’ailleurs, si un jour une mouche vous pique et qu’il vous prend l’envie de tenter l’aventure, ne perdez pas de temps à chercher la billetterie, car il n’y en a pas les soirs de match ! Si vous n’avez pas acheté votre billet (attention également à ne pas acheter un des milliers de faux billets qui circulent) prenez votre courage à deux mains et lancez-vous à la quête du précieux sésame autour de l’enceinte, mais attendez-vous à payer 2 à 3 fois le prix officiel, ça fait aussi parti du folklore, après tout, vous n’êtes pas un « Boquenses ». La renommée de ce stade a fait le tour du monde suscitant interrogation et fascination. A côté de la Bombonera, le stade Vélodrome de l’Olympique de Marseille, pourtant considéré comme le public le plus « chaud » de l’hexagone, passerait presque calme… «C’est un lieu où l’acteur principal est le football, sublimé par un public unique, » résume joliment Carlos Bianchi, entraîneur mythique de Boca Juniors, pour y avoir notamment remporté trois Copa Libertadores (l’équivalent de notre Ligue des champions en Amérique du Sud) et quatre titres de champion d’Argentine. Pour les Européens, l’ambiance peut paraître irrationnelle. S’il y a bien un endroit où les supporteurs ont une part importante dans le succès de leur équipe, c’est ici.»
Tu peux quitter ta femme, mais Boca jamais
De nuit, la Bombonera est un spectacle. La tribune jaune et bleu à trois étages aux airs d’amphithéâtre géant fait face à cet édifice blanc que constitue la tribune présidentielle, qui, avec ses grandes antennes, ressemble plus à un vieux poste de radio qu’à une tribune du XXIème siècle. Une fois à l’intérieur, c’est toute l’essence du peuple argentin qui s’exprime, puisée dans un mot simple : la passion. Pour nous autres Européens, pauvres « spectateurs » – même fan depuis notre tendre enfance – dans nos stades dernière génération, le culte voué au football en Argentine dépasse la limite du raisonnable. Tant mieux pour la folie, tant pis pour les risques. Alors dans un pays qui vit au rythme du tango –argentin, bien évidemment – et du foot, mais aussi et surtout de rivalités et d’excès, l’ambiance qui peut régner dans les stades est indescriptible. Les Argentins étant pour le moins allergiques aux règles et à leur police, la Bombonera peut vite devenir une zone de non-droit, haut lieu de démonstrations excessives et de testostérone. Le chaudron est animé principalement par la «Doce» la mythique «barra brava» (ultras) la plus importante d’Argentin (voir notre deuxième partie sur la face cachée de la Bombonera) : le kop de Boca s’étale sur les trois étages du stade derrière les buts, le cœur du groupe étant situé au deuxième étage. Un rassemblement impressionnant de tifos, drapeaux surdimensionnés – on se demande toujours comment fait le type qui le déploie tout au long du match – et animations tout au long du match. Sans compter les ballons, parapluies et autres accessoires aux couleurs du club. Capable d’accueillir près de 49 000 spectateurs, l’enceinte rassemble toutes les classes sociales de Buenos Aires dans une ambiance chaleureuse pour ne pas dire électrique. Entre passion et addiction. «Il y a un proverbe en Argentine qui dit qu’on peut changer de femme, de maison, de voiture mais pas de club», sourit Da Fonseca. Appelés «los bosteros» («les bouseux») par les adversaires de Boca en référence à l’odeur qui émane du Riachuelo, la rivière située à proximité du stade, les supporteurs du club rivalisent d’inventivité dans leurs nombreux chants pour soutenir leur équipe dans une enceinte où il est proscrit de s’asseoir sous peine… de ne rien voir de la rencontre. Le folklore est partout. Incessant et enivrant. Pour faire couleur locale, impossible de ne pas céder aux effluves du «choripan», sandwich à base de chorizo cuit sur les barbecues ambulants, dont les Argentins raffolent. Aux touristes avides de sensations fortes, il est fortement déconseillé de venir avec des objets de valeur. Ou de venir tout court… Une étude menée par Nike a montré que le mythique stade de Boca Juniors, la Bombonera, était aussi puissant qu’un tremblement de terre. L’équipementier a fait appel à un sismologue qui a effectué des relevés lors de la finale de la dernière Coupe d’Argentine. Les conclusions sont stupéfiantes : quand les supporters célèbrent un but de leur équipe, les ondes générées en tribunes sont équivalentes à un séisme d’une amplitude de 6,4 sur l’échelle de Richter. Rien que ça. Finalement, pour résumer les clés des nombreux succès de Boca Junior dans son antre, les supporters concluent – devant un asado (une grillade) aux alentours du stade : « La Bombonera en premier, la camiseta (le maillot) et los huevos (les couilles) font le reste ».
Superclàsico, Maradona et Coca-Cola.
Il fait partie des derbys les plus courus du football mondial : Boca Juniors – River Plate dépasse tout ce que peuvent nous offrir nos derbys européens. En France, en Espagne et en Italie on a inventé des « clasico » OM-PSG, Real-Barça ou AC Milan-Juventus mais on a aussi de vrais derbys Real-Atletico, Juve-Torino, AC Milan-Inter ou à moindre mesure Nice-Monaco ou Bastia-Ajaccio. Boca-River cumule les deux : classico + derby ! The Observer l’a même placé en première positions des 50 événements sportifs à voir dans sa vie avant de mourir : c’est le choc le plus électrique d’Argentine, peut-être du monde, le «Superclásico». La confrontation des deux plus grands clubs de la ville de Buenos Aires. Les deux clubs ont été créés dans le quartier de la Boca. Mais en 1930, River Plate déménage et s’installe dans le quartier de Nuñez et hérite du surnom de «Millionarios» (les millionnaires). D’où la naissance d’une rivalité hors norme et d’une soi-disant confrontation «pauvres contre riches», mais qui aujourd’hui se résume à un affrontement entre des supporters de même niveau social ou presque. Boca se revendique du peuple et River du beau jeu, et pour comprendre la rivalité qui anime ces deux clubs, il faut la constater au cœur même de la vie quotidienne des habitants de Buenos Aires, les Porteños. Même les touristes qui arrivent là-bas doivent faire un choix : être de River ou de Boca. Car après quelques minutes de discussion avec un local, la question revient inlassablement : «sos de River o de Boca ?» : c’est génétique, irréversible. Diego Armando Maradona n’a joué que deux saisons à Boca Juniors, avant d’y revenir à la fin de sa carrière. Champion la première saison, il illumine son premier Superclásico à la Bombonera et inscrit 28 buts en 40 matches. Ce court passage ne l’empêchera pas de marquer l’histoire du club, si bien qu’il est l’icône de référence parmi tous les grands joueurs qui ont porté le maillot bleu et or de Boca, et les maillots historiques frappés du 10 de Diego s’arrachent encore aujourd’hui. Comme en Argentine on n’a pas peur de voir grand, la légende veut que Maradona dispose d’une loge à vie à la Bombonera pour lui et sa famille. Si bien que quand il y passe voir un match, l’ambiance est d’autant plus folle, tant Diego est un mythe et tant il n’a pas peur de faire le show, à cheval sur la barrière de sa loge, torse nu et cigare aux lèvres. Toutefois, peu de chaînes du Vieux Continent se battent pour les droits TV du plus grand spectacle de football sud-américain – seul BeinSport a diffusé le match allé dimanche dernier avec un coup d’envoi à 23h15 -. Vu d’Europe, le championnat argentin semble aujourd’hui exister a posteriori, comme s’il était déjà entré dans l’histoire. Près de vingt ans après l’arrêt Bosman, même les meilleurs joueurs de Boca et River ne sont plus destinés aux succès européens. Côté River, Teo Gutiérrez et Mora ont perdu l’espoir de séduire le Vieux Continent, mais ça ne les empêche pas de vendre plus de maillots qu’un grand nombre de joueurs des meilleurs clubs européens. Côté Boca, il a fallu seulement quelques semaines à Gago et Osvaldo pour retrouver un niveau d’idolâtrie réservé seulement à Totti et Zanetti en Italie. Enfin, le phénomène Lodeiro s’est montré incapable de s’imposer à l’Ajax, mais a déjà mis toute l’Argentine d’accord en seulement quelques matchs…
Malgré le dédain de l’Europe et les crises économiques, malgré les excès de la médiatisation d’Osvaldo, malgré les aléas du football local, les problèmes des tribunes et le mauvais niveau de jeu, le Superclásico semble immortel. Même quand la planète sera mourante et que les couleurs ne seront plus que digitales et synthétiques, il y aura toujours deux types, au fin fond de la Patagonie, pour débattre de la grandeur du mariage du bleu et du jaune face à celle d’une bande rouge. Pour vous prouver que la rivalité entre les deux clubs dépasse le cadre du football – si besoin est – c’est que même Coca-Cola a dû choisir sa couleur ! En effet, sur la partie extérieure de l’enceinte se trouvent des panneaux de publicités fixés à même la paroi et visibles à des kilomètres à la ronde. Parmi ces pubs, on en trouve une de Coca-Cola, entreprise mondialement connue qui ne pouvait faire autrement que d’être associée à une enceinte sportive aussi prestigieuse et mythique (jusque-là, rien de très original). Là où l’affaire devient croustillante, c’est que sur ces panneaux, on reconnait facilement la calligraphie unique et si particulière de la marque, mais le code couleur, symbole de l’identité de Coca n’est pas respecté. En effet, l’écriture n’est pas blanche sur fond rouge comme partout dans le monde mais elle est grise sur fond noir. Vous aurez très facilement deviné pourquoi : rouge & blanc = River Plate = ennemi de toujours. Par conséquent, les supporters ainsi que les dirigeants de Boca ont « demandé » au géant américain de revoir son identité visuelle et de modifier son code couleur pour être présents au stade, le rouge et blanc étant des couleurs bannies. Le plus fou dans l’histoire, c’est que Coca a accepté. Pas fous, ces ricains. Voilà, ça c’est la partie « ange » de la Bombonera, celle dont on parle le plus souvent sur internet, et que les amateurs de football sur le vieux continent connaissent le mieux, notam-ment grâce aux centaines de vidéos étiquetées « ambiance de folie à la bombonera » sur Youtube.
Mais voilà, la Bombonera ce n’est pas que ça, et en Amérique du Sud, les gens le savent très bien, car sa réputation dépasse bien souvent les frontières argentines. En té-moigne ce sondage effectué par le site internet « Pasion Libertadores » à l’occasion du début de la coupe du même nom, qui proposait aux supporters de tous les clubs du continent quel était le déplacement qu’ils redoutaient le plus au niveau de l’ambiance. Résultat, en tête du classement nous retrouvons la Bombonera de Boca Juniors (22% des voix) suivie de près par le Morumbi du Sao Paulo FC (17.52%) et le stade Alejandro Villanueva du club péruvien d’Alianza Lima. Alors, pourquoi cette enceinte fait-elle si peur ? Eléments de réponse.
La loi des barras bravas, mafia du football argentin
Les Barras sont souvent comparés aux Hooligans ou à des Ultras mais, force de constater que les Barras Bravas sont beaucoup plus dangereuses que leurs cousins Européen. Leur ligne de conduite : la violence, le trafic de drogue, le nationalisme, l’honneur du maillot bleu et or, le gout de se battre et de s’affirmer comme étant la meilleure Barra du pays. A Boca, « La 12 » (la doce) – doce comme douze, le douzième homme-, est réputée pour semer la terreur autour de tous les stades d’Argentine. Les chefs de ce groupe de supporters ont longtemps géré l’accès au stade et la billetterie, et leurs successions se sont décidées à coups de revolvers et de règlements de compte. L’histoire de la 12 est donc sanglante. Même si le temps calme les esprits, les différents chefs qui se sont succédés, et notamment le mythique Rafael Di Zeo (aujourd’hui sorti de prison, mais qui a continué à gérer la 12 depuis sa cellule), sont considérés de par leurs groupes armés, leurs affaires et leurs liens avec les hommes politiques comme les plus puissants du pays. Des radicaux sans limite qui donneraient des leçons de vie aux hooligans les plus extrêmes d’Europe. Voilà pour la légende. Et ce serait bien entendu malheureux de ne résumer la 12 qu’à sa face sombre, ses membres puent le foot, la passion, la déraison. Mais la vérité est là : depuis son existence, le groupe de «supporters» réclame de l’argent aux joueurs et entraîneurs, soi-disant pour aller encourager l’équipe lors de ses déplacements, pour la conception de banderoles ou pour tout type d’aide de ce genre. A l’origine, les sommes récoltées étaient effectivement utilisées à ces fins. Aujourd’hui, il s’agit clairement d’extorsion d’argent, ce à quoi Antonio Mohamed, ex-entraineur du club d’Estudiante – recordman des victoires en Copa Libertadores – avait osé s’opposer. Résultat immédiat: il est démis de ses fonctions, après une première étape classique d’insultes et de menaces. Il résume ainsi son départ du club: «Qui est-ce qui m’a viré? La barra brava. Pourquoi? Parce que je refusais de leur donner tout cet argent qu’ils me demandaient. C’est pas plus compliqué.». Les supporters non membres de la Barra tentèrent bien de montrer leur désaccord via des chants contestataires, mais la riposte fut immédiate : « d’un coup ils ont débarqué avec des couteaux dans la tribune pour les faire taire. La violence et la peur, voilà leur mode de fonctionnement.» Contre un bon paquet de pesos et quelques privilèges, ils exécutent les ordres: faire passer un message dans les tribunes, faire taire toute opposition, pousser un joueur ou un entraineur dérangeant vers la sortie à coups de menaces physiques et/ou verbales. Une sorte de milice. A Boca, les deux leaders de la barra, ont disparu un temps disparu du stade. Comment? En leur claquant la porte de la direction au nez et en les inscrivant sur les listes de droit d’admission, l’équivalent de l’interdiction de stade en France. Notamment par le biais d’un juge – courageux – Manuel De Campos qui a décidé de faire le ménage dans la Doce, l’une des barra bravas les plus puissantes du pays. «On croit que les barras sont des gens plutôt pauvres, mais ils ne le sont pas. Les chefs ont tous des belles maisons, des grosses voi-tures, des yachts. Avec ce trafic, ils gagnent jusqu’à 40.000 dollars par mois. »
La barra brava s’organise autour d’un général, qui possède plusieurs colonels et de nombreux soldats. Ces derniers sont souvent des gamins pauvres, qui trouvent en leur chef une figure paternaliste. « Le chef de la barra les protège des agressions et leur donne à manger, et par-fois de la drogue.» A l’origine, un meurtre, celui d’Ernesto Cirini, à Buenos Aires, en août 2011. Battu à mort par le leader de la Doce, et Maximiliano Mazzaro, son numéro deux. En janvier dernier, le juge De Campos, en charge de l’enquête a fini par faire arrêter le premier, mais le deuxième est actuellement en fuite. Pablo Migliore, gardien du club de San Lorenzo, ancien joueur et sup-porter de Boca et très proche des chefs de la barra, a à son tour été arrêté, en plein stade, le 31 mars dernier. Accusé d’avoir aidé Mazzaro à fuir- ce qu’il a reconnu – Migliore aura passé 40 jours en prison avant de livrer au juge un tas d’information sur l’organisation de la Doce, et notamment sur les liens étroits entre cette dernière et les dirigeants du club. Résultat, le 23 mai, à la sortie d’un match de Copa Libertadores contre Newell’s, 51 barras bravas et un dirigeant de Boca, Carlos Mechetti, chef du bureau des socios, sont arrêtés et auditionnés. Le juge De Campos enquête sur un probable «délit d’association illégale» entre les deux parties. En clair, Mechetti fournirait des faux abonnements à la barra, qui permet-traient de faire entrer à chaque match des touristes prêts à payer très cher pour assister au spectacle. «Cela fait des années que ça fonctionne comme ça. Dans la Doce, il y a 80% de socios actifs, tout le reste des abonnements sont pour les touristes, et peuvent être vendus individuellement jusqu’à 1 000 pesos – 150 euros – par match. La barra gère aussi avec l’aval des dirigeants et de la police tous les stationnements autour du stade, y compris sur la voie publique, faisant payer 50 pesos par voiture, ainsi que 95% des ventes de boissons et de sandwichs, dans et autour du stade.» Voilà pour les privilèges. La politique, c’est le dernier échelon du problème. «J’ai pu voir au fur et à mesure des années à quel point les barras se sont installés, occupant de plus en plus de place dans les tribunes, dans les clubs et dans la société en général, explique Fabian Casas, écrivain argentin et supporter de San Lorenzo depuis son enfance. Si on veut, en deux minutes, on fait disparaitre tout ça. Tout le monde sait comment ça marche. Sauf qu’en désarmant les barras bravas, on ferait tomber trop de monde dans le milieu de la politique, d’où l’impasse actuelle.» Après avoir montré leur efficacité dans les clubs de foot, les barras ont été embauchés de la même manière par les partis politiques, par exemple pour animer ou mettre le désordre dans les manifestations. Pendant la dernière dictature militaire, la barra du club de Quilmes, avec à sa tête El Negro Thompson, mort en prison quelques années plus tard, était l’une des milices du pouvoir. A la fin de la période, le leader de cette barra avait même eu comme mission de se rendre au Mondial espagnol pour faire taire les exilés argentins. La démocratie a fait son retour il y a trente ans, mais cette relation entre politique et barras bravas n’a pas disparu, au contraire, elle s’est accentuée. D’où l’impunité dont jouissent la plupart des chefs de barra et leurs hommes de main. En clair, Mechetti fournirait des faux abonnements à la barra, qui permettraient de faire entrer à chaque match des touristes prêts à payer très cher pour assister au spectacle – comme expliqué un peu plus haut -.Preuve en est le témoignage d’un des membres de la Doce – depuis plus de 30 ans – qui confessait lors de l’enquête : «cela fait des années que ça fonctionne comme ça. Dans la Doce, il y a 80% de socios actifs, tout le reste des abonnements sont pour les touristes, et peuvent être vendus individuellement jusqu’à 1000 pesos (soit 150 euros) par match. La barra gère aussi avec l’aval des dirigeants et de la police tous les stationnements autour du stade, y compris sur la voie publique, faisant payer 50 pesos par voiture, ainsi que 95% des ventes de boissons et de sandwichs, dans et autour du stade ».
Un gouvernement mouillé jusqu’au cou
La politique, c’est le dernier échelon du problème. «J’ai pu voir au fur et à mesure des années à quel point les barras se sont installés, occupant de plus en plus de place dans les tribunes, dans les clubs et dans la société en général, explique Fabian Casas, écrivain argentin et supporter de San Lorenzo depuis son enfance. Si on veut, en deux minutes, on fait disparaitre tout ça. Tout le monde sait comment ça marche. Sauf qu’en désarmant les barras bravas, on ferait tomber trop de monde dans le milieu de la politique, d’où l’impasse actuelle.» Alors, pourquoi donner du pouvoir aux Barras Bravas ? Pourquoi faire en sorte des protégés ? Les réponses sont en faites assez simples. Tout a commencé avec Néstor Kirchner, il créa lors de son mandat de président d’Argentine une structure regroupant toutes les Barras Bravas du pays en leur donnant des droits et du pouvoir. Cette structure continue à être active de nos jours avec sa femme Cristina Kirchner aujourd’hui présidente à sa place. Déjà d’un point de vue économique, les Barras Bravas sont ceux qui voyagent chaque semaine pour suivre leur équipe, ce sont donc ceux qui laissent beaucoup d’argent dans les voyages, hôtels, prix des billets pour entrer, etc. Mit bout à bout chaque semaine multipliée par toutes les Barras Bravas du pays, cela rapporte beaucoup, beaucoup d’argent. Mais outre ça, en donnant du pouvoir et de l’importance aux Barras Bravas, le gouvernement argentin s’assure aussi d’un soutien immense en Argentine de la part de ces gens-là. Ils n’hésitent plus dans les stades à afficher leur appartenance politique, créant une propagande énorme par la même occasion, affichant des pancartes en faveur de ce gouvernement et allant même jusqu’à critiquer des journaux anti-gouvernement. La démocratie a fait son retour il y a trente ans en Argentine, mais cette relation entre politique et barras bravas n’a pas disparu, au contraire, elle s’est accentuée. D’où l’impunité dont jouissent la plupart des chefs de barra et leurs hommes de main. Les médias locaux n’aident pas non plus à mettre au grand jour cette réalité. Les articles se lamentant de la violence, des agressions et parfois des morts dans le football local se succèdent, mais jamais, ou rarement, ceux qui financent tout cela sont mis en cause. Le côté « noir » de la Bombonera…
Crédits photo à la une: GRAPHICALBRAIN