C’est l’une des attractions de cette première partie de saison en Ligue 1. Pour son retour dans l’hexagone, Andy Delort crève l’écran dans le sillage d’une équipe caennaise décomplexée, en atteste sa 4ème place à la trêve hivernale ! Alors, comment le natif de Sète est-il devenu le taureau de Malherbe ? Son ascension lui permet-elle d’envisager un avenir en bleu ? Alors que l’avenir de Benzema s’inscrit en pointillé, sa succession reste ouverte et la question mérite d’être posée. Enquête, sur fond de Gipsy Kings et de joutes Sétoises.
Un cador chez les minots
Natif de Sète dans l’Hérault, c’est tout naturellement dans le club de “sa” ville comme il aime l’appeler que Andy Delort a commencé à jouer au foot, et ce dès les débutants – il y pratiquera aussi les joutes nautiques, spécialité de la ville, dont il a même été champion de Ligue et vice-champion de France -. Il y fera toutes ses gammes, entre le FC Sète et la Pointe-Courte Sète, jusqu’à atteindre les “16 ans nationaux” des premiers cités (les U17 d’aujourd’hui), où son équipe fait bonne figure avec notamment des joueurs comme Adrien Regattin (aujourd’hui à Toulouse en Ligue 1 comme Andy) ou encore Florian Lejeune (actuellement à Girone en D2 espagnole). Quand il porte les couleurs verte et blanche du club, l’équipe fanion du club évolue alors entre le national et la Ligue 2, ce qui laisse entrevoir une belle opportunité pour les jeunes formés au club de faire leur gamme à un bon niveau. Malheureusement pour tous ces gamins il n’en sera rien, car à l’orée de la saison 2009, alors que le club est 4e en National (!), c’est la douche froide : dépôt de bilan et direction la Division d’Honneur ! Andy raconte l’amertume qui l’habite encore aujourd’hui à ce sujet “J’ai éprouvé beaucoup de peine et surtout de colère envers les gens qui ont détruit ce club. Il était très mal géré, sachant qu’un nouveau président venait d’arriver. Je pense aussi que le club n’a pas eu assez de temps pour trouver un mécène, Tony Vairelles devait racheter le FC Sète, en vain. D’autres personnes étaient sur les rangs mais sans plus de réussite. Je n’ai jamais cessé de suivre le club de ma ville et j’espère même y finir ma carrière, pour boucler la boucle”. Aujourd’hui le FC Sète remonte peu à peu et lentement la pente qui le sépare du monde professionnel : le club est 11ème de son groupe en CFA…
L’aventure sètoise se terminant brutalement pour Andy, il lui faut alors rebondir ailleurs. Direction donc la Corse et l’AC Ajaccio. Pourquoi Ajaccio ? Réponse : “quand j’étais au FC Sète, à l’âge de 13 ou 14 ans, j’avais participé à un tournoi à Bastelicaccia (en Corse). Les gens m’avaient paru accueillants, honnêtes, francs. Ici, quand on vous aime, on vous le fait savoir. Et quand on ne vous aime pas, on vous le fait savoir aussi. Plus tard, David Faderne m’a vu jouer contre le Gazélec à Mezzavia. On a pris contact et je suis venu à l’ACA à l’été 2008 pour faire un essai”. Là bas Andy joue en 18 ans Nationaux (les U19 actuels) et inscrit la bagatelle de 31 buts (!), ce qui en fait le meilleur buteur de l’hexagone de sa catégorie. Ajoutez à cela quatre buts en quatre matchs de CFA 2 avec la réserve de l’ACA et cinq buts en Coupe Gambardella et vous obtenez une saison à 40 buts. Ses performances ne vont donc évidemment pas passer inaperçues : un agent glisse son nom du côté de l’Allemagne et de Dortmund où le jeune Andy s’envole faire un essai au Borussia. Au début, il effectue un premier essai avec les U19 du Borussia et tout se passe bien, au point que le club de la Ruhr le rappelle ensuite pour faire un second essai avec la réserve du club. Il va y côtoyer des joueurs aujourd’hui mondialement connus comme l’allemand Mario Götze ou le japonais Shinji Kagawa.
Andy en a encore des étoile dans les yeux “Götze jouait juste derrière moi, il était déjà extraordinaire. Je m’entendais bien avec lui, je sentais qu’il y avait quelque chose à faire. D’ailleurs j’ai joué deux matchs amicaux avec la réserve et j’inscris deux doublés. Le Borussia me propose alors un contrat stagiaire-pro. À 17 ans, c’était énorme”. Mais finalement Andy va refuser l’offre allemande et rentre en France. Pourquoi ? La réponse de l’intéressé pourrait servir de modèles à tous ces jeunes partis bien trop tôt de France se bruler les ailes à l’étranger sans même avoir foulé les pelouses de Ligue 2 ou de Ligue 1 : “mon entraineur à Ajaccio, Didier Lelong, m’a dit un jour “un joueur qui brûle les étapes, se brûle les ailes”. Je n’ai pas signé au Borussia parce que je n’étais pas prêt. Non pas au niveau footballistique mais au niveau de la vie en tant que telle. Je ne parlais pas allemand, j’allais être seul. À 17 ans, je ne me sentais pas capable de vivre cette expérience. J’ai fais le choix de la sagesse, et je ne regrette pas. Puis cette proposition m’a permis de prouver à mon père que j’avais le niveau. Quand Dortmund m’a proposé le contrat, j’en ai rigolé, mon père était fier. C’est lui qui m’a élevé, c’est la clé de ma réussite. Il est ambitieux et il croit énormément en moi. Il n’hésite pas à me remettre en place. Quand à Nîmes, je marque un doublé pour mon premier match, il me dit, “Andy tu aurais pu mettre le triplé… “. Andy signe donc finalement à Nîmes en Ligue 2 à seulement 1h de voiture de sa ville d’origine, Sète : “après l’épisode du Borussia, Bordeaux me contacte pour un essai, que j’ai réalisé avec la réserve. C’était difficile car l’équipe était essentiellement composée de jeunes du club qui jouaient ensemble. Donc j’avais du mal à m’imposer. Pour autant l’essai avait été concluant car il voulait me garder, mais pour la réserve. Moi mon objectif était clairement de pouvoir intégrer un groupe pro”. Andy, D. comme déterminé.
Il a fait ses gammes en Ligue 2
Durant cette intersaison, Andy fait aussi quelques apparitions avec l’équipe de France de… Beach Soccer ! En effet, comme le joueur se trouve encore à l’époque sans club, Laurent Castro le contacte lors d’un tournoi amateur à Sète pour savoir s’il est intéressé pour intégrer l’équipe. Ce Qu’Andy accepte sans hésiter : “être entraîné par Eric Cantona était un rêve pour moi. Cela dit, je joue au Beach soccer comme je joue sur une pelouse, je pousse le ballon j’accélère et je frappe. Le jeu en l’air, tout en technique, très peu pour moi (rires). Mais au final je m’en suis plutôt bien sorti parce que j’ai inscris cinq buts durant ses qualifications pour la Coupe du Monde. Le Beach Soccer est vraiment un truc qui me plait. Donc je n’exclue pas de revenir un jour en équipe de France si on veut bien de moi”. A Nîmes, l’expérience ne va pas être une franche réussite pour le jeune joueur qui ne fera que 3 matchs de ligue 1, passant son temps à jongler avec la CFA 2 -pour qui il marque 12 buts – et les U19 des crocos. Pour autant, le joueur analyse cette période avec lucidité : “je n’avais que 18 ans. Avec un peu de recul, je me dis que je n’étais pas assez mature pour ce niveau là. C’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup joué en CFA 2 et même en 18 ans parfois. Dans ces deux catégories, j’ai inscris près de 20 buts sur la saison. Il faut aussi souligner qu’en Ligue 2, il y avait des attaquants comme Mandrichi et Ayité, qui marquaient très souvent. Le coach avait son équipe et n’avait pas de raisons de changer. Mais cette saison m’a permis de murir car je m’entrainais quand même avec le groupe pro”. Andy décide alors de retourner à Ajaccio en fin de saison où il intègre le groupe professionnel : “quand j’ai su que j’avais la possibilité de revenir à Ajaccio, je ne me suis pas fait prier”.
Là-bas, Andy est heureux, et sur le plan sportif tout sourit à l’ACA qui gagne son accession en Ligue 1 à la fin d’une saison qu’Andy achève sur un bilan de quatre buts en 24 apparitions. Il fait ses débuts en Ligue 1 dès la première journée de la saison suivante, mais joue relativement peu. Delort quitte finalement Ajaccio à l’été 2013 et rejoint le FC Tours en Ligue 2, où officie son ancien entraîneur à Ajaccio Olivier Pantaloni, qu’il considère comme son mentor encore aujourd’hui. “Je n’oublierai jamais les discours d’Olivier. Ce qu’il me disait, ça me faisait du bien. Il a toujours cru en mois, et tout ce qu’il m’a dit il y a quatre ou cinq ans, ça se passe aujourd’hui. Je n’y croyais pas à l’époque, j’avais peur de le décevoir… Et pourtant, tout ça est en train de se passer. Je le remercie beaucoup. A un moment, j’étais tout près de raccrocher. Je me posais des questions, j’avais des problèmes personnels. Alors je suis parti en prêt à Metz. Le coach ne voulait pas que j’y aille, on a parlé, mais j’ai décidé de partir quand même, pour moi. Quand je suis revenu, il était parti, mais on s’est retrouvé à Tours deux ans après et là j’ai explosé. Il m’a fait confiance tout de suite. Dès qu’il a été nommé là-bas, il a dit à ses dirigeants qu’il me voulait et il m’a fait venir. Moi je savais que j’avais quelque chose à me faire pardonner, alors j’ai tout donné et ça a très bien marché”. Tours, c’est la saison de la révélation, de l’explosion même. Andy D. comme Décisif. Andy termine co-meilleur buteur de ligue 2 avec 24 buts (comme le caennais Mathieu Duhamel) + huit passes décisive, et est élu meilleur joueur de Ligue 2 par le magazine France Football. Il fait aussi partie de l’équipe type de Ligue 2 aux trophées UNFP. Oui mais voilà, le club rate de peu l’accession en Ligue 1 et est en proie à de gros problèmes financiers, ce qui l’oblige à vendre. Delort, la tête de gondole, en fait donc les frais direction Wigan en 2ème division anglaise : “ je n’ai pas trop eu le choix. Tours n’était pas très bien financièrement, et il fallait que je parte pour le club aille mieux (il a été transféré pour 4 millions d’euros). Mais je le sentais mal dès le départ… et ça été très compliqué, vraiment. Je suis arrivé toute fin août (le 31 août 2014 à 23h59) alors je n’ai pas eu de préparation avec le groupe, ni de temps pour m’adapter. Et puis il y a un changement d’entraîneur assez rapidement. Celui qui l’a remplacé était quelqu’un de méchant. Il ne voulait absolument pas de moi ni des autres recrues estivales. Il nous a fait la misère pour qu’on parte. En gros, il y avait tout pour que ça se passe mal là-bas, – son bilan sera de 11 matchs pour 0 but – je remercie Tours puis Caen de m’avoir sorti de là, d’autant plus que Wigan est par la suite descendu en 3eme division !”. Andy retrouve donc la France dès le mercato d’hiver où il est prêté à Tours son ancien club, qu’il contribue à sauver (2 buts seulement toutefois) cette fois de la descente en National. A la fin de la saison, hors de question pour lui de retourner outre-Manche : direction le Stade Malherbe de Caen contre une indemnité estimée à 1,4 million d’€ pour une durée de quatre saisons. Le début de la “hype” Delort en Ligue 1.
Andy, personnage attachant
Là où il fait l’unanimité, c’est aussi de par son aura naturelle, comme l’explique par exemple son ex-coéquipier à Tours Baptiste Santamaria, toujours fan de son ex-partenaire qu’il considère comme le “grand partisan» du maintien du FC Tours en fin de saison passée : «On était au fond du trou, et puis il est revenu. Il a réveillé tout le monde. On sait que quoi qu’il arrive, même dans un mauvais jour, il va apporter quelque chose, être décisif…» Yahia confirme («Il tire l’équipe vers le haut, avec lui on se sent plus fort»), avant de mettre en lumière l’état d’esprit de celui avec qui il partageait sa chambre lors des mises au vert. En fait Andy, ce sont les autres qui en parlent le mieux : «il a toujours la banane, il rigole, il est heureux quoi. Et puis il a une bonne hygiène de vie et c’est un gros travailleur. Tous les matins, il arrive à l’entraînement à 8h30, et ça c’est rare pour un mec de 24 ans !» raconte son désormais entraineur à Caen Patrice Garance. Le joueur fonctionne beaucoup à l’affectif, et à besoin d’amour autour de lui pour être compétitif : «Andy a besoin de sentir qu’il est important dans l’équipe, dans le club, et quand c’est le cas, sa générosité est contagieuse. Dans un groupe, un garçon comme ça n’amène que du positif ! Et sur le terrain, il est impressionnant, parce qu’il a un gros volume de jeu et qu’il ne faiblit pas depuis la 1ère journée. Il n’est jamais blessé, toujours à fond. Pour un entraîneur c’est un bonheur”. Son ancien entraineur à Ajaccio puis à Tours Olivier Pantaloni définit son ex-poulain de la sorte :”un garçon d’une générosité extrême, un compétiteur qui a du mal à accepter l’échec. Il doit arriver à canaliser ses émotions, ses efforts, mais j’ai le sentiment qu’il a progressé là-dessus. Il sait écouter les conseils. » Son épouse et son fils de 2 ans, qui l’ont rejoint samedi dernier dans leur nouvelle maison caennaise, l’ont aussi aidé à se responsabiliser. Depuis sa signature à Malherbe, où “c’est passé au feeling avec Gravelaine (le directeur sportif) et avec le coach » (dixit le joueur), Andy Delort semble très épanoui. « On sait qu’il a besoin d’affection pour avancer, mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas lui mettre de barrières, poursuit Pantaloni. Caen est un bon club pour qu’il s’affirme”. Quand Andy se sent aimé, il donne tout sur un terrain et en dehors, et les gens le lui rendent bien “c’est impressionnant car cela s’est fait rapidement. Il m’a fallu à peine 3 matchs et les gens étaient déjà derrière moi, sur le terrain comme dans la rue. Ça me touche énormément. Je ne le comprends pas forcément mais je suis très content et c’est peut-être mon jeu et mes gestes qui font ça. En tout cas, je me donne à 200%.” A Caen, il a aussi trouver une équipe qui a tout d’une belle bande de copains, les résultats en prime. “On a une sacrée équipe de joyeux larrons. Rémy Vercoutre met beaucoup d’ambiance dans le vestiaire, moi aussi d’ailleurs… Il y a Jeff Louis aussi qui nous fait beaucoup rire. Bref, on rigole vraiment bien. On est heureux de se retrouver à l’entraînement, de prendre le café ensemble, et je peux vous dire que ce n’est pas comme ça partout. Nos résultats viennent de là aussi, ce n’est pas un hasard”. Une bonne humeur communicative, que le joueur arpente dans les vestiaires jusqu’à quelques seconde du coup d’envoi des matchs de son équipe, ligue 2 ou ligue 1 peu-importe. ”Nous les attaquants, les supporters comptent beaucoup sur nous car nous devons faire gagner l’équipe : nous nous devons d’être adroits devant les buts et lucides. Pourtant, je pense qu’on a moins de pression qu’un libéro qui a tout moment court un danger. Même cinq minutes avant le match, je souris, je plaisante. On me dit que je suis zen. Par contre, dès que le sifflet retentit, je ne suis plus le même. Je suis dans mon match. Là, c’est du sérieux”. Avec toujours l’obsession du but, quitte à demander une intervention divine : avant chaque coup d’envoi, je vais prier à chaque fois dans la douche, je suis croyant. Je remercie Dieu pour ma famille, pour le foot. Quand je ne marque pas en première mi-temps, je lui redemande lors de la pause ! ”
Un physique et des mollets XXL
Une autre domaine où le Sètois fait l’unanimité, c’est son physique ! Non, on ne parle pas de sa “belle gueule”, mais bien de son physique de footballeur. Andy D. comme Dynamite ! “Oui, sûrement, je saute haut, je suis tonique, je frappe fort. Les mollets, c’est génétique chez nous. Mon père a les mêmes, et mon fils de deux ans, je peux vous dire que ça commence déjà à se voir. Il va avoir de beaux mollets aussi ! Si je serre les jambes, c’est sûr qu’ils se touchent. Mais ça ne me gêne pas pour courir, ça va (rire) !”. Des mollets XXL pour une frappe de balle du même calibre : car sa frappe, c’est un des principaux atouts d’Andy. «D’ailleurs ce n’est pas une frappe qu’il a, c’est un boulet de canon !» renchérit Baptiste Santamaria, son ancien coéquipier à Tours. Conscient de cette qualité, Delort insiste, et continuera d’insister.«C’est un buteur, confirme son coach Patrice Garande, même s’il doit progresser, élargir sa palette devant le but. Il a en lui cette obsession de marquer. Et chez nous, il est impliqué dans beaucoup de buts. Parce qu’il y a ceux qu’il marque, mais aussi ceux qu’il permet de construire…».
Le principal intéressé confirme et signe : “C’est vrai, je pense que je fais partis de ceux qui ont une grosse frappe. Je l’ai depuis très jeune cette frappe de balle. Et je la répète à l’entraînement, encore et encore. Là j’essaie de travailler la précision, parce que mettre des patates c’est bien, mais les cadrer c’est mieux. Je sais qu’avec ma frappe, si je cadre c’est compliqué pour le gardien adverse. Maintenant, j’essaie de plus varier. Enrouler, piquer, tout ça”. Affronter Andy Delort, c’est un sacré défi pour tout défenseur de Ligue 1. Car le danger va bien au-delà de son attirance pour le but : “il a cette capacité à imposer quelque chose aux défenseurs adverses, reprend Garande. Quand ils l’ont sur le paletot pendant 90 minutes, ils ne passent pas une soirée tranquille… Il se bat sur tous les ballons, perd rarement ses duels aériens : quand on joue face à lui, il faut lui porter une attention particulière ! Pour en discuter avec mes collègues entraîneurs, ils aimeraient bien l’avoir dans leur équipe…”. Après l’avoir affronté à plusieurs reprises en L2, Alaeddine Yahia est lui bien content de le compter parmi ses alliés désormais du côté de Malherbe, malgré des souffrances désormais “quotidiennes” : “même à l’entraînement, il est chiant à avoir au marquage ! Il a un rôle de harceleur. Quand tu l’as sur le dos, tu sens qu’il est là ! Il se bat, il accroche, il court”. Andy fait partie de ces joueurs capables de mobiliser plusieurs défenseurs adverses durant toute la rencontre. Santamaria va même plus loin : “il leur fait peur. A lui seul, Andy fait reculer une défense”.
Un destin à la Gignac ?
Présenté comme un petit taureau, Delort est capable à tout moment d’accélérer pour une vraie action de classe, pas une chevauchée qui sent la sueur et qui se finit par un gros bourrin en direction des cages adverses. C’est pour tout cela qu’il n’a pas perdu de temps pour s’installer à la pointe du collectif caennais. Au-delà de ses 5 buts, son importance dans le jeu est capitale pour une équipe qui a l’habitude de jouer bas : c’est souvent sa première touche qui permet aux Caennais de se projeter en contre-attaque, ces remises permettant de mettre son numéro 10 Julien Féret dans le sens du jeu ou à Vincent Bessat et Ronny Rodelin de se projeter balle au pied. Parfois esseulé, il perd certes beaucoup de ballons (plus de 5 par match) et a pas mal de déchet dans ses remises (55% de passes réussies seulement). Mais ces lacunes sont aussi les conséquences du jeu très direct de Caen. Elles soulignent la marge de progression du joueur, qui ne réalise que sa première saison pleine en Ligue 1. Son abnégation et sa mobilité font de lui un grand artisan du début de saison caennais et un indispensable à la formation de Patrice Garande (15 titularisations en 15 matchs de Ligue 1, 6 buts, 2 passes dec’). «C’est un joueur d’instinct, de rupture, qui ne vit que pour le but. Vu le nombre de frappes qu’il tente, c’est vrai que son total de buts peut paraître dérisoire», concède son partenaire caennais Alaeddine Yahia qui assure tout de même que «ses dix buts, il va les marquer».
Avec 67 tirs tentés en 14 matches, Andy Delort est de loin le joueur qui tente le plus sa chance en Ligue 1 cette saison. Si son taux de frappes cadrées (43,3%) est plutôt honnête, il n’a donc fait trembler les filets qu’à quatre reprises. Des statistiques qui ne sont pas sans rappeler un certain André-Pierre Gignac qui a toujours eu la même philosophie de jeu, ce qui l’amena au titre de meilleur buteur de Ligue 1 avec Toulouse et à 23 sélections en Équipe de France. Pour autant quand on demande à son coach de le comparer à d’autres attaquants de renom, le coach normand n’hésite à comparer son numéro 9 à un certain Jean-Pierre Papin. Ça tombe bien, Delort a«bouffé des cassettes de JPP» lorsqu’il était plus jeune. Garande précise : “je l’ai souvent comparé à Papin à ses débuts parce qu’aujourd’hui, tout ce qu’il fait, c’est en force !”. D’où une charge de travail importante pour faire progresser son poulain. Et devinez quoi ? Delort en redemande ! “après chaque entraînement, il veut travailler devant le but : c’est une grande qualité et aussi un petit défaut, parce que parfois il n’y a que ça qui l’intéresse et il peut délaisser la séance collective. C’est comme un gamin à l’école qui s’investit à fond dans les matières qu’il préfère”. Au petit jeu des comparaisons, Alaeddine Yahia cite lui naturellement le nom du parisien Edinson Cavani : “parfois, Andy se dépense tellement qu’il peut manquer de lucidité. Ces joueurs-là ont un don de soi si important que ça peut les desservir devant le but”. Son entraîneur acquiesce à moitié : “ils se rapprochent uniquement dans la générosité, le goût de l’effort. Andy ne peut pas jouer autrement : il a besoin de se dépenser, de s’investir comme ça pour exister. L’important, c’est qu’il soit plus efficace, en apprenant à faire le geste juste, adapté à la situation”. S’il parvient à atteindre son objectifs, les défenses de Ligue 1 n’ont pas fini de trembler, et viendra alors le temps de se poser d’autres questions légitimes sur son accession au niveau international, même si pour l’Euro 2016 cela semble encore un peu précipité pour un joueur qui n’a que 6 mois de Ligue 1 dans les jambes. Patience est mère de toutes les vertus.