Alors que Lille accueille Amiens ce dimanche à 17 heures, personne n’a oublié ce match aller où une barrière anodine de la tribune des supporters lillois avait cédé et provoqué un scandale national où tout le monde y allait de sa pique. Six mois presque jour pour jour après le drame, avec du recul, il serait temps de se poser les bonnes questions.
Sécurité: des situations disparates selon les pays
Si des disparités existent à l’intérieur même des pays, il est assez évident que l’Italie, pourtant parmi les cinq grands championnats, est un mauvais élève en matière de qualité de sécurité de ses stades. Si les ambiances de San Siro ou de San Paolo peuvent faire rêver, les stades, eux, n’ont pas connu de réelles modifications majeures. Le premier a eu droit à une rénovation importante avant la Coupe du Monde 1990 en Italie et le second a seulement vu sa capacité réduite dans les années 2000 pour des mesures de sécurité. Insuffisant mais pour l’instant, l’Italie n’a pas vécu de drames dans ses stades. Il en sera sûrement autrement s’il venait à y avoir un accident mortel de l’autre côté des Alpes. C’est pourquoi, il vaut mieux prévenir que guérir. L’ancien président de la Fédération italienne de football, Carlo Tavecchio, qui a démissionné après le fiasco de l’équipe nationale contre la Suède en barrages de la Coupe du Monde 2018, avait pointé du doigt la vétusté des stades italiens en 2015.
La corrélation entre résultats sportifs et nouvelle enceinte a été démontrée avec la Juventus Turin qui écrase le championnat italien depuis la livraison de son nouveau stade en 2011. Les résultats financiers du club sont par ailleurs excellents, ce qui a donné des idées aux autres équipes italiennes, bien que pour l’instant, la Juventus, malgré la huitième capacité du pays, possède toujours le stade le plus moderne. L’UEFA se doit alors d’intervenir pour imposer aux pays des normes plus strictes pour éviter de nouveaux drames. L’Angleterre avait notamment eu une réaction immédiate au choc d’Hillsborough et ses 96 morts en 1989 pour sécuriser ses stades. Si l’Europe peut se vanter aujourd’hui d’offrir des enceintes plutôt modernes, l’Est du continent se mettant également à la page, des inégalités et des disparités significatives entre les pays européens rappellent que la modernisation des stades reste toujours d’actualité et demande une harmonisation des normes.
La France a progressé
Si l’enveloppe budgétaire de l’Etat consacrée aux stades pour la Coupe du Monde 1998 concernait aux deux tiers la construction du Stade de France, enceinte ultramoderne pour l’époque et qui l’est toujours, l’Euro 2016 a permis à la France de progresser dans le domaine. La construction de quatre nouveaux stades à Nice, Lyon, Bordeaux et Lille pour l’événement, ainsi que la rénovation de plusieurs enceintes dont celles de Saint-Étienne, Marseille, Lens et Toulouse montrent une volonté de modernisation dans l’Hexagone. Cela ne prend bien évidemment pas en compte les stades non retenus pour l’Euro 2016 comme les tous récents stades du Havre et de Valenciennes, ou encore la rénovation du stade Yves-Allainmat de Lorient. Les chantiers se font nombreux mais ne manquent pas de faire plonger certains clubs comme les exemples du Mans, et son stade déserté sauf lors de rares occasions, et de Grenoble viennent le rappeler. L’incident d’Amiens, dont le stade est en rénovation et l’était au moment des faits, est finalement une exception parmi une vague de modernisations plutôt intéressante. Mais cette barrière trop fragile a été suivie de questions illogiques pointant du doigt parfois les supporters plutôt que de porter sur la modernisation des stades français, tous n’étant pas forcément tourner vers l’avenir.

Le stade Matmut-Atlantique de Bordeaux, construit dans l’optique de l’Euro 2016. Crédits photo: Fantafluflu
La Commission Seguin de 2008 « Grands Stades Euro 2016 » avait souligné le retard français par rapport aux concurrents anglais et allemands. Et si le paysage footballistique français a quelque peu évolué, les exemples outre-Manche et outre-Rhin humilient la France au niveau des qualités de remplissage des enceintes sportives car, faut-il encore le préciser, il est bien beau de posséder des stades modernes, s’ils ne se remplissent pas, le bilan financier ne risque pas d’être à la hauteur. Ainsi est-il assez déroutant d’observer le moderne Matmut-Atlantique de Bordeaux à moitié vide, ou à moitié plein si l’on est optimiste, ou encore le stade Pierre-Mauroy de Lille ne se remplissant que lors d’événements ne concernant pas le LOSC et le football.
S’il est assez évident de comprendre le désir de certains supporters de ne pas payer pour assister au piètre spectacle des deux équipes, on se demande alors bien pourquoi certains clubs font le choix d’un stade plus grand alors qu’ils n’arrivaient déjà pas à remplir l’ancien lorsque leur équipe avait du mal en championnat. Au final, il vaut mieux avoir une plus petite enceinte remplie à chaque match qu’un grand stade vide qui donne une mauvaise image. Il vaut mieux ainsi revoir son ambition à la baisse et considérer la France à sa juste valeur, à savoir un pays moins « footeux » que l’Angleterre et l’Allemagne. Ce sont encore des irrésistibles bretons qui en montrent le meilleur exemple, à Guingamp, où le stade de Roudourou et ses 18 200 places affichent toujours complets.
Crédits photo à la Une: Julien Bertrand