Paris et Monaco en 2011, Marseille Nice et Lille en 2016. Les clubs français passent les uns après les autres dans les mains d’actionnaires étrangers avides de résultats. Sauf Lyon qui continue son projet « made in Lyon ». Une stratégie louable mais qui pourrait vite s’avérer perdante.
La scène n’est pas inédite, mais en dit long sur l’état d’esprit qu’il règne en ce moment à Lyon. Alexandre Lacazette vient de marquer son deuxième but de la partie face à Toulouse, le célèbre avec ses coéquipiers et au moment de se replacer dans son camp, va saluer son coach Bruno Genesio. L’image passe en boucle et pour cause l’entraîneur lyonnais est plus que jamais chahuté par la presse et par les spécialistes. Grâce à cette tape dans la main de son buteur vedette, Bruno Genesio montre qu’il est soutenu par le vestiaire, un soutien dont personne ne doutait, mais qui pose problème à l’heure où le club n’est que 8e et vient de gagner son 6e match sur les 15 disputés cette saison. S’il arrive à 31 points en décembre et parvient à être reversé en Europa League, il sera maintenu par son président, Jean-Michel Aulas, mais à quel prix pour l’OL ?
La formation, une stratégie par défaut…
En 2010, l’OL sort de sa plus grande décennie; 7 titres de champion et une demi-finale de Ligue des Champions. Le budget augmente et la masse salariale flambe. Gourcuff est acheté pour 22 millions d’euros (+4 de bonus), dispose d’un salaire à plus de 450 000 par mois (avec augmentation chaque saison) et en plus d’un pourcentage sur chaque maillot revendu à son nom, une première en France. Jean-Michel Aulas débourse près de 100 millions d’euros dans les transferts sur une saison (Lisandro, Gomis, Michel Bastos, Cissokho, Lovren). Les jeunes joueurs formés au club n’ont que très peu de chances de percer au club. Une somme qui doit permettre au club de retrouver le trône français et de continuer sa progression européenne. Seulement, c’est un échec et Lyon perd peu à peu de l’argent et est obligé de vendre pour passer devant la DNCG. Le club fait alors confiance à sa jeunesse dans un but de transition; Gonalons est déjà bien installé dans l’équipe, Lacazette et Grenier, récents champions d’Europe U20, sont appelés avec le groupe professionnel.
Une stratégie qui va s’avérer être un pari réussi puisque Grenier, Gonalons et Lacazette sont rapidement appelés avec l’équipe de France A. Une aubaine pour le board lyonnais qui est toujours confronté aux tristes résultats financiers de l’OL saison après saison. Le club ne vend plus et laisse les gros salaires partir libres pour économiser de l’argent (Gomis, Gourcuff, Briand, Dabo). Peu à peu de nouvelles têtes font leur apparition; Umtiti, Tolisso, Ghezzal, Lopes ou encore Fekir et N’Jie. L’équipe s’articule de plus en plus autour de la formation et Lyon se recentre sur lui-même. Le centre de formation de Lyon est le meilleur de France, et on n’hésite pas à saluer excessivement cette formation. Le président lyonnais s’en défend: « nous ne souhaitons pas recruter des grandes stars, nous voulons valoriser les meilleurs joueurs de notre centre », une déclaration datant 2015. A laquelle s’ajoute celle de septembre 2016 : « nous souhaitons conserver dans l’effectif 70 % de joueurs du cru ». Une volonté donc exacerbée de rester entre Lyonnais.
Cette volonté n’est plus liée seulement au terrain mais également à l’organigramme de l’OL. Hubert Fournier, Bruno Genesio en tant que coachs, sont des anciens joueurs de l’OL, ils font partie de « la famille », on notera également Gérald Baticle, Joël Bats qui sont des adjoints qui ne bougent pas depuis des décennies. Au fur et à mesure des étages, on voit toujours les mêmes têtes; Bernard Lacombe, Florian Maurice – tandis que Gérard Houllier est revenu – et bien évidemment Jean-Michel Aulas. Le président lyonnais a toujours voulu tout contrôler dans son club et n’a pris pour ça, que des entraîneurs facilement maniables. Lorsque Bruno Genesio réalise le plus mauvais départ du club depuis plus de 15 ans, JMA vient le conforter mais également lui donner quelques remarques sur le sportif. Arrêter la défense à 5 et trouver une place pour Ghezzal étant les deux mots d’ordre récent.
… qui pourrait ralentir Lyon
JMA garde des entraîneurs maniables, car il veut tout contrôler, mais également parce qu’un grand entraîneur arrive et travaille avec ses propres adjoints. Ce qui voudrait dire que les indéboulonnables comme Bats ou Baticle devraient partir. Une hérésie à Lyon. Alors on continue avec les mêmes en espérant que cela s’améliore. « J’ai une confiance absolue en Bruno et dans le groupe. Bruno est non seulement un bon entraîneur mais également un mec bien ». L’actuel entraîneur de l’OL devrait ainsi gagner du temps pour remettre son équipe sur les rails. Si ce dernier gagne du temps, l’OL pourrait, lui, en perdre. Lorsque l’on voit la vitesse de changement d’organigramme à l’OM, on est en âge de croire que cela pourrait être de même dans un club qui dispose d’un budget de 200 millions d’euros avec un stade et un centre d’entraînement flambant neufs.
L’OM, le LOSC et Nice ont été rachetés, avec des parts plus ou moins grandes par des investisseurs étrangers. L’OM s’est structuré de manière incroyablement rapide, le LOSC va disposer d’un directeur sportif très lié avec l’agent le plus puissant du monde, tandis que Nice dispose aujourd’hui d’un budget et d’une structure capable d’accueillir de grands joueurs. Pendant ce temps, Lyon avance en eaux troubles, Houllier et Lacombe se font la guerre, et l’entraîneur ne fait rêver personne, tandis l’exposition étrangère s’arrête au partenariat avec la marque Hyundaï. Pour suivre les autres clubs français rachetés, Lyon doit se structurer et Jean Michel Aulas doit lâcher du lest. D’autant plus qu’il est possible pour lui de continuer sa politique sportive « made in Lyon » tout en se développant. Ainsi Juninho dispose de qualités et d’un réseau suffisamment grand pour être un très bon directeur sportif. « C’est vrai que c’est dur de rivaliser avec le PSG, mais il faut être malin. Je ne comprends pas la stratégie d’Aulas. Qu’est-ce qu’il veut faire de son club ? Je n’en sais rien. Lacombe est là depuis cinquante ans ! Il est temps de renouveler le club, de faire appel à des nouveaux visages. Il faut recruter un cador, un Sonny (Anderson), un Juninho. Je regrette le Lyon que j’ai connu » a déclaré Edmilson, ancien milieu lyonnais de 2000 à 2004.
Lyon est un club-phare du football français, seulement il ne faut pas que la volonté paranoïaque d’une seule personne empêche que le club progresse. Cela fait 10 ans que le club aurait dû passer ce cap international, et il n’a de cesse de stagner, voire de régresser.
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