Le Lorca FC, formation semi-professionnelle espagnole au destin tragique, est un club de football pionnier dans le monde: le premier à être totalement administré par des internautes anonymes, par le biais d’une application révolutionnaire baptisée « Manager Real Football ». Portrait d’une équipe 2.0 à l’histoire passionnante.
Lorca FC: de la gloire au désespoir
Jour d’entraînement au Lorca FC. Les joueurs suent, et, face à eux, un homme, tablette à la main, donne les directives aux joueurs d’un ton serein. Subtilité de la séance ? Ce n’est pas le staff qui a constitué les exercices, mais bien les usagers de l’application « Manager Real Football ». Pour en arriver là, il convient de revenir une poignée d’années en arrière pour ce club qui a tout vécu. Le Lorca Fútbol Club est l’équipe de la ville de Lorca (94 000 habitants), située dans la région de Murcie. Fondé en 2003 par Pedro Rosell, le club commence son épopée lors de la saison 2003-2004 en sixième division espagnole. Celui-ci gravi les échelons dans une rapidité déconcertante et arrive ainsi à atteindre la Segunda (deuxième division espagnole), en 2017. Une montée due à l’appui financier de son président chinois, Xu Genbao.
Malheureusement, le rêve ne fut que de courte durée: à cause d’une gestion approximative de Xu Genbao, la dette du club est énorme et ce dernier est ainsi relégué administrativement en Tercera (4e division). Une chute d’autant plus tragique que le club n’est pas rétrogradé à cause de ses performances sportives mais à cause de problèmes économiques. Un entraîneur est par la suite recruté pour relancer l’équipe, Walter Pandiani, mais malgré de bons résultats la collaboration entre ce dernier et le club s’achève en décembre 2019. Le club choisit alors de pas recruter un nouvel entraîneur comme le veut la coutume: entrent alors en scène des milliers de managers, tous virtuels.
Lorca FC: une gestion novatrice et singulière
Et ni une ni deux l’application est lancée, « This is not a game » peut-on lire sur le titre de celle-ci. Et, effectivement, tout est bien réel. L’application est très bien huilée, tant complète que simple d’utilisation: elle permet au plus grand nombre de prendre part à cette formidable aventure où le virtuel concorde avec le réel. L’effectif ne compte pas que des Espagnols: on y trouve un Polonais, un Indien, quelques Brésiliens ou encore deux Français dont Romain Cambra 22 ans, dont nous sommes partis à la rencontre. L’autre français n’est autre que Mathias Pogba, frère de Paul Pogba, champion du monde en 2018 avec l’équipe de France.
Les rencontres du Lorca FC sont diffusées en direct sur l’application. Possibilité de faire des changements, de modifier la formation, la tactique… en temps réel l’utilisateur de l’application est propulsé dans la peau de l’entraîneur, le tout derrière smartphone ou tablette. Mais pas question de déconcentrer les joueurs de leur objectif: les playoffs. « L’application est gérée par directement par le président du club. C’est lui qui s’occupe de l’ensemble des statistiques et des données des matchs« , explique Romain Cambra.
Un succès mondial
Les entraînements sont constitués par les entraîneurs virtuels. Et l’utilisateur qui verra son programme d’entrainement ou sa formation retenue par l’entraîneur adjoint recevra des « Runys », monnaie virtuelle servant à élargir le champ des possibles: faire un changement durant un match coûte par exemple 10 Runys, changer la formation 15, proposer un joueur à recruter 10… Pourtant, cette gestion singulière ne semble pas déranger les joueurs, bien au contraire: « Au fur et à mesure on en parle plus, on y fait plus attention, on le vit« , souligne Romain Cambra.
Actuellement, grâce à l’assiduité des utilisateurs de l’application et des joueurs bien décidés à renouer avec les plus hautes divisions du football espagnol, le club est en bonne passe pour se qualifier en playoffs pour l’accession en 2e division. Romain Cambra confirme: « On se concentre sur nos entraînements et surtout nos matchs, sinon de tels résultats ne seraient pas possibles« . Pendant ce temps, l’application fait un carton: elle est présente dans plus de 120 pays. Un succès local, national et mondial, constituée de simples curieux ou de futurs Diego Simeone. L’ancien montpelliérain (22 ans) le confirme: « Nous sommes tolérants avec l’application et elle nous le rend bien ». Le football 2.0, hyperconnecté et mondialisé, semble bel et bien en marche.
Crédits photo à la Une: Brian Clough