Lundi 21 janvier 2019, vers 21 heures 20, un avion disparaît au-dessus de la Manche. À l’intérieur se trouve l’ancien joueur du FC Nantes, Emiliano Sala. La découverte aujourd’hui d’une partie de coussin de siège appartenant vraisemblablement à l’avion relance les recherches officielles. Dans ces circonstances, la rédaction d’Au Stade souhaite donc s’intéresser aux risques encourus par les footballeurs durant les déplacements aériens. Enquête.
On entend souvent dire que l’avion est un moyen de transport fiable. Un sondage réalisé en 2016 par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) le prouve. Sur les 1027 personnes interrogées, 95% estiment effectivement que ce mode de déplacement ne présente aucun danger particulier. La semaine dernière, Emiliano Sala confiait pourtant son inquiétude à l’idée de voyager dans un léger monomoteur Piper PA-46 Malibu à destination de Cardiff. Le message audio envoyé via l’application WhatsApp à ses proches est explicite: « Je suis dans l’avion, on dirait qu’il va tomber en morceaux ». Outre le fait de glacer le sang, ses paroles relancent le débat concernant les normes de sécurité aérienne dans l’aviation civile. Mais, en voyageant généralement dans des avions privés, les footballeurs sont-ils davantage exposés aux risques d’accidents ?
Les catastrophes aériennes dans l’histoire du football
À juste titre, la disparition de l’avion d’Emiliano Sala émeut la planète football. Par le passé, des accidents aériens impliquant des acteurs du football se sont cependant déjà produits. Le dernier remonte au 27 octobre dernier. Le propriétaire de Leicester, Vichai Srivaddhanaprabha, décède lors du crash de son hélicoptère. Deux ans auparavant, le 28 novembre 2016, l’accident du vol 2933 de la Mia Airlines coûte la vie à 19 des 22 joueurs du club brésilien de Chapecoense. Au total, depuis 1949 et le crash de l’avion de l’équipe de Turin, 13 accidents mortels sont recensés d’après le journal L’Équipe.
Malgré tout, le crash le plus célèbre dans l’histoire du football est celui impliquant les joueurs de Manchester United. Pour le journaliste Patrick Urbini, la légende du club naît effectivement de cette catastrophe. Le 6 février 1958, les joueurs reviennent d’un match en quart de finale de C1 face à l’Étoile rouge de Belgrade (3-3). Pour se ravitailler, le bimoteur Air Speed AS.57 Ambassador atterrit à Munich. La neige rend son décollage pour repartir difficile et, lors de sa troisième tentative, l’avion s’écrase en bout de piste. Parmi les 44 personnes transportées, huit des vingt joueurs et membres du staff décèdent. Pour ne pas oublier cette tragédie, le club commémore chaque année cette triste date.
Des différences entre les normes américaines et européennes dans l’aviation civile à nuancer
Pour limiter les risques d’accidents, les avions doivent répondre à des normes sécuritaires. Celles-ci diffèrent cependant entre la législation européenne (EASA) et américaine (FAA). Bien que le Piper PA-46 Malibu transportant Emiliano Sala appartenait depuis 2015 à la compagnie britannique Southern aircraft consulty, son immatriculation aux États-Unis le soumet aux normes américaines. Si le message audio d’Emiliano Sala laisse présager d’un mauvais état général de l’avion, il est toutefois hâtif d’en déduire que la disparition de l’avion est liée aux différences entre les normes européennes et américaines. En effet, sans l’appareil, il est difficile de formuler une telle conclusion. Les débris retrouvés aujourd’hui doivent encore être authentifiés. La rédaction d’Au Stade souhaite donc rester prudente à ce sujet. Cela est d’autant plus vrai que ces normes sont relativement similaires. Ainsi, dans les deux cas, des contrôles antérieurs au décollage doivent être réalisés avant chaque journée de vol. C’est ce que nous explique Romain Hornung, directeur des opérations de l’Organisme pour la Sécurité de l’Aviation Civile (OSAC).
L’aviation légère et privée, une réglementation spécifique par rapport à l’aviation commerciale
Il existe une variété de type d’aéronefs. Ils permettent des exploitations diversifiées. La réglementation pour l’entretien et le suivi de navigabilité des aéronefs exploités de manière commerciale ou pour du transport aérien commercial est sévère. En effet, elle fait exclusivement appel à des organismes agrées selon les réglementations définies par l’Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne. En revanche, l’entretien des aéronefs légers utilisés à titre privé est plus souple puisqu’elle permet à des mécaniciens disposant d’une licence en dehors des organismes agrées d’intervenir.
Par ailleurs, l’entretien des appareils est réalisé suivant un programme établi par le constructeur qui impose des visites périodiques aux compagnies aériennes. Ces visites sont définies à échéances calendaires et heures de vol. Outre la visite annuelle, les inspections d’entretien du Piper PA-46 Malibu sont ainsi imposées toutes les 50 et 100 heures de vol selon la vérification à réaliser. Pour les avions de ligne, cette exigence diffère. Les constructeurs imposent effectivement des visites techniques obligatoires aux compagnies aériennes. Nommées A,B,C et D, elles correspondent à un nombre donné d’heures de vol ou à une durée de vie estimée d’un avion. Le rythme des visites varie néanmoins selon les constructeurs. Mais la visite de type A s’effectue généralement tous les mois ou toutes les 500 heures de vol. On change ainsi par exemple l’huile moteur. La visite de type B s’effectue, quant à elle, tous les trois mois pour vérifier le bon fonctionnement de l’ensemble des systèmes de l’avion. Quant à la visite de type C, elle a lieu tous les 12 à 18 mois. Durant ce contrôle, des ultrasons vérifient par exemple l’état de la carlingue. Plus laborieuse, la visite de type D s’effectue tous les 4 à 5 ans. Elle implique un désossement minutieux de l’ensemble de l’avion pour inspection.
Une licence tout aussi spécifique
La réglementation de l’entretien des avions n’est pas l’unique différence entre les appareils commerciaux et touristiques. En effet, les pilotes ont également une formation différente selon le type d’avion qu’ils souhaitent utiliser. Romain Hornung nous le confirme. En effet, d’après notre interlocuteur, l’obtention d’une licence de pilotage de loisirs est indispensable pour manœuvrer dans les airs un avion de tourisme. Pour le transport commercial, il est en revanche nécessaire de disposer au minimum d’une licence commerciale de pilote (CPL).Quel que soit le type d’avion, le pilotage ne s’improvise donc pas.
Malgré l’existence de différentes licences, les risques d’accidents ne sont cependant pas corrélés aux divers diplômes. C’est ce que nous explique Benoit Duchemann, doctorant en histoire et philosophie des sciences concernant les risques aéronautiques au laboratoire SPHERE CNRS-Paris7. Dans le cadre de la disparition de l’avion transportant Emiliano Sala, il semblerait cependant que le pilote n’était pas habilité pour transporter des passagers payants. C’est l’information révélée vendredi dernier par le journal The Times. Les risques pour le pilote de commettre une erreur éventuelle étaient donc plus grands.
L’avion reste cependant un moyen de transport fiable
Si des différences existent dans l’entretien des différents types d’avions, le transport aérien – privé ou commercial – reste fiable. Romain Hornung nous l’assure. Il affirme même que « le trajet en voiture pour se rendre jusqu’à l’aéroport est ce qui comporte le plus de risques dans le transport aérien ». Sur ce point, les statistiques lui donnent raison. Selon le site Peuravion.fr, on ne recensait en 2013 que 0,05 mort par million de voyageurs transportés en avion. En voiture, cette statistique s’élève en revanche à environ 0,1. Ce dernier mode de transport s’avère donc plus dangereux que l’avion.
En conclusion, le risque zéro n’existe pas. Les accidents mortels le prouvent. Mais malgré des différences notables dans l’entretien, l’aviation reste toutefois le moyen de transport le plus fiable. Par conséquent, même sur des courtes distances, il n’est pas aberrant pour les footballeurs de privilégier ce mode de transport. Ils n’encourent effectivement pas plus de risques que les autres passagers si le pilote respecte les conditions de sa licence.
Crédits photo à la Une: Fabrizio Neitzke