Le football moderne, au sein duquel l’individualisme règne en maître, se porterait bien mieux sans le Ballon d’Or, cérémonie injuste et dénuée de sens. Édito.
Impactée elle aussi par la Covid l’année passée, la cérémonie du Ballon d’Or effectuait lundi soir son grand retour depuis le théâtre du Châtelet à Paris. Une cérémonie qui a vu Lionel Messi une nouvelle fois récompensé par le précieux sésame – pour la 7e fois de sa carrière – devant Robert Lewandowski et Jorginho. Nombreux sont ceux qui voient en cette nouvelle consécration de l’Argentin, une injustice. En ce qui me concerne, c’est tout simplement le Ballon d’Or lui-même, dans son ensemble, qui est une injustice.
Le football, un sport collectif, vraiment ?
Le Ballon d’Or en lui-même ne dessert-il pas le football dans son ensemble ? Sport collectif par nature, le football tend, depuis plusieurs années maintenant, à dégager une forme d’individualité, comme parallèle à ce sport magnifique que l’on chérit tous. Une individualité exacerbée qui dénature notre sport et qui modifie la vision que l’on en a.
Oui, il existe des footballeurs plus doués que d’autres, de la même façon qu’il existe des rugbymans ou des handballeurs plus doués que d’autres. Oui, il existe des génies, comme celui qui vient d’être élu pour la 7e fois Ballon d’Or. Mais nous parlons de football, pas de poker ou de tennis. Nous parlons d’un sport collectif par essence. J’ai beau essayé de m’imaginer Messi tout seul sur un terrain face à 11 joueurs, je n’y arrive pas.
Ce trophée va à l’encontre de notre sport. Toute cette présentation, ce clinquant, cette ambiance autour du Ballon d’Or, va à l’encontre du football que l’on aime, un football populaire et ouvert à tous. Alors oui, nous vibrons tous devant un geste technique, un arrêt magnifique, un but d’anthologie, une série de dribbles réussis. Mais tout cela doit rentrer dans un tout plus grand que le simple « moi » d’un joueur professionnel. Cela doit être placé au service du collectif. Donc, si une récompense doit prédominer, elle doit récompenser un collectif dans son ensemble. De la même façon qu’une pièce d’un puzzle n’est rien sans les autres pièces autour, un joueur de football, quel qu’il soit, n’est rien sans ses coéquipiers.
Le pouvoir du « moi » d’abord
C’est parce qu’on dénature l’aspect et l’esprit collectif du football, notamment via des prix comme le Ballon d’Or, que certaines équipes perdent toute notion du collectif, préférant se concentrer sur de simples individualités. A tel point que l’on assiste à des disputes entre joueurs d’une même équipe pour tirer un penalty – à l’image de Lucas Paqueta, lors du match Rennes-Lyon, qui, alors que son équipe perd 4 à 1, se dispute avec Houssem Aouar. Nous vivons dans l’obsession de la statistique, si bien qu’il nous ait devenu impossible aujourd’hui de reconnaitre le bon travail ou le bon match d’un attaquant s’il n’a pas marqué de but.
C’est le pouvoir du « moi », de la statistique et donc de l’individualité qui prime. C’est le « je suis une F1 » et « tu es un karting » qui fait mouche de nos jours et nous pousse à négliger toute humilité. Le football devient une affaire de comparaison et nous empêche d’apprécier divers profils de footballeurs et de sportifs tout court. Cet esprit d’individualisme nous pousse à choisir un camp, c’est l’éternel retour du « Messi ou Ronaldo », comme si aimer l’un nous interdisait d’aimer l’autre. C’est cet esprit d’individualisme que provoque et fait perdurer un évènement comme le Ballon d’Or.
Le collectif doit être au centre des priorités
C’est aussi la raison pour laquelle, surtout les attaquants, ou les joueurs offensifs ont de grandes chances de remporter le précieux sésame au dépend des autres. D’ailleurs, allez savoir, c’est peut-être pour cela que certains d’entre eux décident de temps en temps s’ils doivent défendre ou non ? Qui peut aujourd’hui affirmer que Lionel Messi a été plus important qu’Andrés Iniesta, Xavi, Puyol ou tout autre joueur du Barça à l’époque de Pep Guardiola ? Qu’aurait été Cristiano Ronaldo sans ses coéquipiers à Manchester United ou au Real Madrid ? Est-ce que Marquinhos est moins indispensable que Neymar au PSG ?
Le collectif doit être au cœur de tout dans le football. Si les qualités individuelles suffisaient à briller, l’Équipe de France aurait remporté l’Euro 2020. Alors, à l’avenir, place au Collectif d’Or ?