Les bonnes performances de l’Atlético Madrid en Ligue des Champions, et le titre de Champions d’Europe des Portugais, confirment l’idée selon laquelle le football – européen tout du moins – est devenu un sport où la solidité défensive prime. Le football-plaisir, tant apprécié des observateurs du monde du ballon rond, serait-il en train de disparaître ? Éléments de réponse.
La Coupe du Monde brésilienne avait sacré une certaine idée du jeu il y a deux ans, avec la victoire d’une Mannschaft virevoltante. Cet Euro 2016 n’a pas offert la victoire à l’équipe la plus glamour, la plus envoûtante, et bien sûr qu’il aurait été plus juste de voir l’équipe de France, meilleure attaque du tournoi (13 buts) mais également équipe la plus plaisante à voir jouer, l’emporter devant cette équipe du Portugal qui, à partir de la phase finale et après une dernière rencontre en phase de groupes mal négociée défensivement contre la Hongrie (3 buts encaissés), avait décidé de ne plus prendre le jeu en main et d’adopter une attitude extrêmement défensive. Hormis face aux Polonais en quarts de finale (1-1, 5-3 t.a.b.), les hommes de Fernando Santos n’ont pas encaissé de but en 3 matchs face à des équipes réputées actives sur le plan offensif (Croatie, Pays de Galles, France) ! Mais l’attitude des Portugais n’en est pas moins devenue presque banale puisque de nombreuses équipes l’ont adopté durant la compétition , mais aucune du standing de la Seleçao.

Le Portugal, ou l’éloge de la solidité défensive – Getty
Malgré tout, la philosophie de jeu minimaliste des compagnons de Cristiano Ronaldo a fonctionné, et il ne faudra en aucun cas leur enlever le mérite de ce succès qu’ils ont été chercher dans la période où ils prenaient le dessus physiquement et dans la possession du ballon sur les Français. D’ailleurs, Vincent Duluc, illustre journaliste au journal L’Équipe jugeait, que « défendre, c’est aussi respecter le jeu« , nuançant cependant que « ce n’est pas ce qu’il existe de plus emballant à regarder« .
L’Atlético de Madrid : le précurseur ?
À l’heure où chaque but encaissé peut coûter des millions d’euros, il n’est pas surprenant de voir énormément de formations adopter une stratégie défensive, même celles disputant les plus grandes compétitions continentales. L’Atlético Madrid, finaliste de la dernière Ligue des Champions et défaite par le Réal Madrid en finale aux tirs aux buts en est un autre exemple. Avec leurs prises à deux incessantes, leur capacité à fermer les espaces et leur projection rapide vers l’avant, les hommes de Diego Simone avaient successivement sorti deux favoris à la victoire (le FC Barcelone et le Bayern Munich), en étant nettement dominés dans le jeu, mais en ayant pris ces deux formations dans leur dos.
Par leur réussite via leur jeu plutôt minimaliste, profitant de l’erreur de placement de l’adversaire, les Colchoneros ont quelque peu inspiré les Portugais, développant l’idée selon laquelle, défendre peut également être synonyme de victoire. En quelque sorte, et même si certains crieront au préjugé, à l’idée reçue, la thèse selon laquelle l’Atlético Madrid a tué le football-plaisir, et que la Seleçao s’en est tout simplement inspiré, se tient.
Encaisser un but de moins que l’adversaire
L’essence même du football, depuis sa création, a toujours été de marquer un but de plus que son adversaire. Mais désormais, à l’heure du football moderne, encaisser un but de moins que l’adversaire semble être devenu plus important que tout, au grand damne du spectacle. Cette nouvelle philosophie complique un jeu qui devient de plus en plus tactique et fait dégringoler les moyennes de but un peu partout en Europe, sauf peut-être en Allemagne, et en Angleterre (à degrés moindre).

Les Colchoneros seraient-ils les précurseurs de la mort du football plaisir en Europe ? – Getty
Malheureusement, c’est le cas dans notre chère Ligue 1. Le PSG, Lyon, Nice et quelques autres équipes essaient de créer du spectacle, mais ces clubs sont bien seuls. Les centres de formations de l’Hexagone ne cherchent désormais plus la petite pépite à la technique affinée, mais plutôt le joueur au physique imposant qui apportera des garanties défensives. Mais c’est le football du Vieux Continent dans sa globalité qui devient frileux. Ce dernier fait tant l’objet de pressions économiques et politiques, que la peur de la défaite pousse les formations à fermer le jeu. Cette tendance s’est d’ailleurs vérifiée à l’Euro en France, dont la plupart des rencontres ont eu plus d’effet qu’un somnifère pour les spectateurs.
Existe-t-il un remède ?
A cette question, certains penseraient que le jeu de possession serait le remède parfait. Mais comme l’explique si bien Vincent Duluc, « la possession n’est plus le contre-poison absolu, le poison (NDLR: le jeu défensif) est redevenu plus fort« . Ces explications peuvent d’ailleurs se vérifier sur le terrain; lors de sa demi-finale aller puis retour face à l’Atlético, le Bayern Munich, finalement éliminé (0-1, 2-1), avait eu le ballon presque 70% du temps, mais la stratégie défensive extrême des Colchoneros n’avaient pas permis aux hommes de Pep Guardiola d’utiliser au mieux cet argument qu’est la possession. Le constat est le même pour cette finale de l’Euro : face aux Portugais, les Bleus ont eu le ballon 56% du temps, – même si l’équilibre tendait à s’atténuer au fil des minutes avec la baisse de régime physique des hommes de Didier Deschamps – mais n’ont su l’utiliser au mieux et cette domination s’est donc révélée stérile.
Les équipes à vocation défensive font le plus souvent déjouer leurs adversaires, mais c’est à ces derniers d’y remédier en trouvant des solutions. Ces dernières existent, mais demandent plus ou moins de qualités technico-tactiques : étirement du bloc regroupé par l’utilisation efficace des côtés, qualité sur coup de pied arrêté mais encore la qualité de frappe lointaine.
L’avis de la rédaction : tout n’est pas perdu
Le football Européen devient de plus en plus frileux, ce qui le pousse à se renfermer sur des stratégies ultra-défensives qui rendent les matchs moins vivants. Le football, sur le Vieux Continent du moins, est tant l’objet de pressions, que les clubs, dans leur quête de résultats, préfèrent d’abord assurer le coup et donc ne pas encaisser de but. Cependant, tout n’est pas à jeter, et le football de possession et de créativité à encore de l’avenir, comme le démontre les performances de l’Allemagne (Championne du Monde) et de la France (vice-championne d’Europe), deux équipes, qui, elles, essaient de jouer.
Crédits photo à la une: AFP