L’annonce est tombée lundi soir aux alentours de 22h (et même avant pour certains suite à une prétendue fuite sur le web du classement final): Luka Modric est le Ballon d’Or France Football 2018, mettant fin à une décennie qu’ont survolé deux monstres du football moderne. Bravo à lui. Cependant, notre cher Antoine Griezmann s’imposait comme une évidence. Édito.
La portée symbolique du Ballon d’Or
Le Ballon d’Or c’est un trophée que tout fan de football connaît. Il a beau être associé à un sport collectif qui se joue à 11, il y a dans le football une certaine aura qui rend ce trophée si spécial. C’est d’ailleurs peut-être ce paradoxe qui le rend si attrayant: sortir un joueur du lot là où on ne le devrait pas. Le football étant un sport collectif, il apparaît juste d’élire une équipe de l’année, mais pas un joueur en particulier. Car un joueur, tout aussi talentueux qu’il puisse être, dépend avant tout de son entraîneur et de ses coéquipiers. Pourtant, il n’est pas rare d’entendre les joueurs réaliser des sorties médiatiques en évoquant ce fameux trophée. Paul Pogba par exemple, très jeune, a dit qu’il rêvait de remporter le Ballon d’Or. L’institution du Real Madrid avait elle pris pour habitude de beaucoup soutenir Cristiano Ronaldo dans sa quête ces dernières années.
Ce trophée fait écho à l’ego du sportif tout simplement, et le fait qu’il soit décerné par un système de votes ajoute un côté subjectif à l’élection. Comme une reconnaissance de la planète football (ce qui l’était encore plus il y a quelques années lorsque les votes étaient également effectués par les sélectionneurs et les capitaines d’équipes nationales). En cette année 2018, ce trophée a une saveur encore plus particulière. Pour la première fois depuis 10 ans on sentait qu’il n’était pas joué d’avance, et qu’il n’allait pas revenir ni à Lionel Messi, ni à Cristiano Ronaldo qui se sont partagés les 10 dernières éditions de manière équitable. Après avoir passé toutes ces années entre les mains de deux des plus grands joueurs de l’histoire, l’appétit était grand pour les potentiels candidats au trône. Tel le vin, la récompense avait pris de la valeur au fil du temps.
Griezmann lésé
On pouvait penser que ce jour-là serait le moment de la relève, du joueur qui allait s’imposer dans les prochaines années comme le successeur (là où certains voyaient Neymar il y a quelques années): un rôle qui va comme un gant à Kylian Mbappé. Mais l’évidence cette année se nommait Antoine Griezmann, qui en 2016 avait déjà côtoyé l’Argentin et le Portugais sur la dernière marche du podium. Une année où le Portugais avait été intouchable en combinant Ligue des champions/Euro-2016 au nez et à la barbe du Français. Ce dernier cumule en 2018 l’Europa Ligue et la Coupe du monde, difficile de faire mieux pour le palmarès (sauf pour Raphaël Varane qui ajoute à cela la Ligue des champions). Alors avec l’équipe de France sur le toit du monde, un Lionel Messi loin de ses standards habituels et un Cristiano Ronaldo qui n’a pas su porter le Portugal cet été, la porte était ouverte. Elle l’était oui, mais pas pour lui, puisqu’il est devancé au classement par Modric et Ronaldo, et c’est bien dommage…
C’est bien dommage car même grand fan de ces deux joueurs, Antoine Griezmann était le véritable lauréat cette année. Ni Modric, ni Ronaldo ne peuvent se targuer d’avoir fait une Coupe du monde aussi complète que lui qui s’est montré décisif dans tous les matchs à élimination directe de la compétition. Une partie de tableau finale que n’aura qu’entrevue le Portugais, et qu’aura traversé sans grand éclat le meneur de jeu croate malgré une finale atteinte. Griezmann est devenu une machine à gagner. En 2016 il était l’homme des finales perdues: deux fois face à Cristiano Ronaldo, en Ligue des champions (avec un penalty manqué) puis à l’Euro. Disputer ce genre de matchs définissait déjà la carrure du joueur, qui avait alors pris conscience du chemin qui lui restait à parcourir. Résultat deux ans plus tard ? Un but et une passe décisive face à la Croatie en finale du Mondial, et deux buts face à Marseille en finale de l’Europa Ligue. Et les deux trophées majeurs à la clé.
Une injustice, fondamentalement
Griezmann c’est aussi un après-Coupe du monde réussi, de retour dans son club de l’Atlético Madrid (au moment où Modric traverse une période compliquée avec le Real Madrid). Il a inscrit 36 buts toutes compétitions confondues durant l’année, de la tête (malgré sa petite taille) et des deux pieds, et a scoré dans les grands matchs (comme évoqué précédemment). Il abat un travail défensif énorme pour un joueur au profil offensif, et délivre de nombreuses passes décisives grâce à sa vision du jeu au dessus de la moyenne.
Non, décidément il ne présente aucun point faible, aucun temps mort sur son année 2018. Et l’histoire aurait été belle de récompenser le mental d’un joueur qui n’a cessé de progresser d’année en année, qui a fait le choix fort de rester dans son club de cœur cet été plutôt que de rejoindre une plus grande institution (le FC Barcelone ?) plus en vue médiatiquement. Mais peut être que c’est par là que passait le chemin de la récompense individuelle finale ? Ou par un jeu plus offensif de l’équipe de France cet été quitte à ne pas gagner à la fin ? Les réponses manquent à ces questions. Quoiqu’il en soit, le joueur de l’Atlético Madrid est champion du monde, et ça il ne l’échangera pour rien au monde. Car le football est un sport avant tout collectif, et il est plus important d’amener une deuxième étoile sur le maillot de 67 millions de Français, qu’un ballon tout d’or vêtu au-dessus de sa cheminée. Qu’importe, l’injustice, elle, est véritable là.
Crédits photo à la Une: Anish Morarji