Leader surprise après 5 journées de Bundesliga, le club, effigie de la marque Red Bull, surprend par sa capacité à faire abstraction de la pression populaire. Institution détestée, au football plutôt séduisant, Leipzig ne laisse pas indifférent.
Le symbole du football-business à outrance
Véritable 12e homme chaque week-end, le public allemand sait se faire entendre quand il le faut. Les chaudes soirées dans la Rhur, le mur jaune de Dortmund sont autant d’ambiances qui marquent un supporter de football. Du côté de Leipzig, la cote d’amour ne se mesure que dans leur gigantesque stade. Le club représente tout ce que le public local hait: le football-business. Petit retour en arrière. L’actuel leader du classement n’a pas d’histoire, à proprement parlée. Fondé en 2009 par le patron des boissons énergisantes, l’Autrichien Dietrich Mateschitz, le RB Leipzig passe de la cinquième division aux hauteurs de la Bundesliga. L’objectif est clair: remporter, en moins de dix ans, le titre suprême en Allemagne.
100 millions d’euros plus tard, l’effectif paraît taillé pour jouer sur tous les tableaux: coupes, championnat et Ligue des champions. Point d’orgue de toutes les critiques, le « naming » a ravivé les anciennes tensions entre l’Est et l’Ouest de l’Allemagne. La volonté d’associer un nom de marque directement à la ville ne passe pas du côté des « Traditionsverein », autrement dit les clubs historiques du championnat allemand. Le projet est finalement abandonné, dans la forme. Le « RasenBallsport » Leipzig est né sous un flot de critiques incessant. Dernière manigance en date: la culture de l’actionnariat allemand. Le patron de Red Bull possède, dans les faits, la totalité du club de la Saxe, alors que l’usage veut qu’un seul actionnaire ne détienne que 49 % des parts d’une équipe de football. Le board de Leipzig outrepasse les normes du football allemand, et c’est en cela que le club dérange. L’équipe de Julian Nagelsmann a au moins le mérite d’ouvrir un vaste débat dans le pays du football total. Le retour de la Bundesliga au premier plan, passera-t-il par l’avènement du football business, où le sponsoring prendra part au processus ?
L’effet Nagelsmann
L’arrivée de l’entraîneur de 32 ans en Saxe a été savamment orchestrée. Dès l’été 2018, les dirigeants de Leipzig ont annoncé son recrutement pour la saison 2019-2020. Une juste récompense pour un technicien atypique, reconnu pour son jeu attrayant avec Hoffenheim. Lancé dans le grand bain à 28 ans, après une carrière sportive subitement interrompue, Nagelsmann mise sur les jeunes pousses d’Hoffenheim pour porter son projet tactique. Fidèle à son 3-5-2 séduisant offensivement, l’entraîneur allemand a transformé le club en le qualifiant en Ligue des champions. Sa science tactique s’est révélé aux yeux des observateurs européens un soir de match contre l’Olympique Lyonnais (3-3). Son arrivée au RB Leipzig n’est en rien une surprise. L’effectif du club est taillé pour les grandes compétitions, la stratégie est basée sur l’achat de jeunes joueurs en devenir, combinée à l’arrivée d’hommes d’expérience à chaque secteur de jeu. La relative jeunesse de ses protégés (22,6 ans de moyenne d’âge) entre en adéquation avec le projet tactique.
Là-bas, Nagelsmann profitera d’une exposition européenne avec la Ligue des champions. Si ses joueurs explosent, ils seront revendus à prix d’or. Le technicien allemand fait partie de ces entraîneurs bâtisseurs à l’identité tactique bien trempée. Sa flexibilité rend son équipe imprévisible pour l’adversaire. En 5 journées, le 11 titulaire a alterné entre le 4-4-2, formation assez classique à Leipzig, un 3-5-2 plus fidèle aux idées du nouvel entraîneur allemand, et un 3-4-3 testé lors des deux premières journées de championnat. Nagelsmann a directement ciblé le secteur offensif comme point fort de l’équipe. Associés au redoutable Timo Werner, des joueurs comme Yusuf Pulsen ou Emil Forsberg brillent par leur capacité à être décisif. L’association RB Leipzig-Julian Nagelsmann a tout du mariage parfait, en témoigne leur début de saison tonitruant. Il existe cependant une réserve sur le niveau de performance tout au long de la saison. Les matchs vont s’accumuler et l’expérience sera un critère déterminant pour bien figurer en championnat et en Ligue des Champions. Jusqu’où ira l’effet Nagelsmann ?
Un vivier de talents français
Didier Deschamps peut voir venir. Le vivier de jeunes joueurs français ne désemplit pas. Une colonie s’est d’ailleurs installée depuis quelques saisons en Saxe. Le projet de Leipzig a tout pour séduire des jeunes talents barrés par la concurrence dans des équipes plus confirmées. Leipzig jongle donc entre bonnes pioches et coups d’éclat. Le dernier en date: l’arrivée en fin de mercato de l’ex-milieu de terrain du Paris Saint-Germain, Christopher Nkunku. Joueur de rotation dans l’esprit de Thomas Tuchel, le jeune Français est venu en Allemagne chercher plus de temps de jeu pour confirmer. Même si la concurrence est rude dans ce secteur de jeu, Nkunku pourra plus facilement se démarquer. Le mercato d’été de Leipzig s’est focalisé sur l’intégration de jeunes pépites dans l’effectif.
Transféré d’Everton, Ademola Lookman est l’un des plus gros talents du football britannique. Vif, fin dribbleur à la vision de jeu aiguisée, l’ailier deviendra un élément clé du 11 de Nagelsmann, après avoir réussi son adaptation au jeu allemand. C’est bien en défense que le club de la Saxe peut compter sur ses Français. La paire Ibrahima Konaté-Dayot Upamecano fera partie, avec Jaden Sancho ou Kai Havertz, des belles promesses de la saison. La rigueur défensive fait partie des priorités tactiques du nouvel entraîneur. Adepte d’un pressing intense et des relances propres, les défenseurs français ne pourront que progresser à ses côtés. Pour l’instant, seul Ibrahima Konaté apparaît comme un titulaire indiscutable. Le secteur défensif sera amené a énormément bouger, tous les joueurs auront leur chance, même si une hiérarchie se dessine.
La présence de joueurs confirmés comme Willi Orban ou Marcel Sabitzer constitue la colonne vertébrale d’une équipe largement rajeunie. La stratégie porte ses fruits: sur les trois dernières années, le club s’est qualifié deux fois pour les phases de poule de la Ligue des champions et a atteint les quarts de finale d’Europa League en 2018.
Figure de proue du projet sportif de Red Bull, le club de Leipzig détonne alors qu’il suscite de vives critiques à la fois sportives et structurelles. Dans le jeu, l’équipe a dépassé le statut d’outsider. Peut-être que ce début de saison leur donnera des ailes.
Crédits photo à la Une: Steffen Prößdorf