Officialisé la nuit dernière, le « Brexit » pourrait avoir de multiples conséquences sur le football britannique. Tour d’horizon des possibles modifications que pourrait apporter la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, sur le monde du ballon rond outre-Manche. Décryptage.
Craint par de nombreux clubs des Championnats d’Angleterre (Premier League et Championship notamment), le « Brexit » (sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne) est désormais officiel. Le choix du peuple Britannique, qui a choisit le « out » à 51,9 %, aura d’importantes conséquences politiques, économiques, mais peut-être également sur le football outre-Manche, un sport qui tient une importance considérable pour les Britanniques. Karren Brady, vice-présidente du club de West Ham (PL) et première femme dirigeante dans le foot professionnel britannique, avait, dans une lettre adressée en janvier dernier aux présidents des clubs professionnels anglais, écossais et gallois, prévenu que le « Brexit » « aurait des conséquences dévastatrices sur l’économie et la compétitivité du football anglais » puisque « 2/3 des stars Européennes en Angleterre ne rempliraient pas les critères d’exemption de visa et pourraient ainsi être forcés de partir« .
« 2/3 des stars Européennes en Angleterre ne rempliraient pas les critères d’exemption de visa et pourraient ainsi être forcés de partir »
Car, comme le « Brexit » étant désormais acté, les joueurs Européens vont désormais être considérés comme étant extra-communautaires. Ils devraient alors obligatoirement obtenir un permis de travail pour pouvoir exercer leur talent en Premier League, or ce document est devenu de plus en plus difficile à obtenir suite au durcissement des règles imposées par Football Association (FA), la Fédération Anglaise, récemment adopté. Tout d’abord, un joueur d’un pays classé au-delà du 50e rang au classement FIFA ne pourra plus venir taper dans la balle dans tout le Royaume-Uni. Un joueur appartenant à un pays classé entre la 31e et la 50e place devra avoir disputé au moins 75% des matchs internationaux de son pays lors des 2 dernières années, un taux qui s’élève à 45% pour les joueurs des nations classées du 11e au 30e rang. C’est le cas des Français (lire par ailleurs), la France étant actuellement classée 17e. Enfin, les joueurs appartenant à un pays classé dans le Top 10 mondial, devront avoir disputé au minimum 30% des matchs de leur sélection lors de deux dernières années.

N’Golo Kanté pourrait être poussé à quitter la Premier League ! – Getty
Quid des Français ?
Une situation que déplore Karren Brady, qui estime que « la liberté de mouvement joue un rôle déterminant dans les transferts et les contrats des joueurs« . Pour elle, comme les transferts deviendraient plus longs et plus contraignants à réaliser, les talents Européens pourraient hésiter au moment de rejoindre une formation Anglaise. Une situation qui pourraient également pousser des joueurs évoluant actuellement en Premier League à quitter ce Championnat, car plus en conformité avec les « normes ». Et parmi lesquels des joueurs considérés comme des stars.
C’est notamment le cas du Français N’Golo Kanté, qui a pris une dimension énorme chez le dernier Champion d’Angleterre, Leicester City. Ce dernier ne respecterait pas les « normes » en vigueur, lui qui n’a pris part qu’à 23% des matchs des Bleus, ces deux dernières années (6/26). Si la FA respectait strictement la nouvelle réglementation, le talentueux milieu de terrain serait donc contrait de quitter les Foxes… Morgan Schnederlin (Manchester United, 34%) et Eliaquim Mangala (Manchester City, 7%) seraient également dans ce cas là, tandis que Yoann Cabaye (Crystal Palace, 42,3%) et Antony Martial (Manchester United, 42,3%) seraient quand à eux incertains. Une situation délicate, notamment pour le dernier cité, qui, acheté par MU contre 80 millions d’euros l’été dernier, fait figure de joueur le plus cher de la Premier League. Les autres Bleus évoluant en Angleterre et qui disputent actuellement l’Euro seraient quand à eux en conformité. Il s’agirait d’Olivier Giroud (Arsenal, 73%), Hugo Lloris (Tottenham, 62%), Bacary Sagna (Manchester City, 62%), Moussa Sissoko (Newcastle, D2, 57%), Dimitri Payet (West Ham, 57%) et Laurent Koscielny (Arsenal, 54%). Mais pas sûr que ces derniers soient tout fait enclin à rester en PL devant la saignée qui se prépare.
« La Premier League est une compétition sportive bénéficiant d’un fort succès et qui a un fort attrait en Angleterre et dans le monde. Quel que soit le résultat du référendum, cela continuera d’être le cas «
Car les chiffres relayés par les médias Britanniques ces derniers temps, démontreraient que 122 joueurs Européens (sur les 168 évoluant en Angleterre) ne seraient pas en règle, et donc invités à quitter le Royaume. Néanmoins, les portes paroles de la Premier League veulent se montrer rassurant. « La Premier League est un compétition sportive bénéficiant d’un fort succès et qui a un fort attrait en Angleterre et dans le monde. Quel que soit le résultat du référendum, cela continuera d’être le cas », assurait l’un d’eux, dans un entretien accordé à l’agence Reuters. « Nous allons attendre que la situation se clarifie, et nous continuerons, de toute évidence à travailler avec le gouvernement quel que soit le résultat de tout ce processus (de sortie de l’UE), pour trouver des solutions« . Une situation instable, donc, et qui pourrait mettre plusieurs mois à se clarifier.

Sturridge et Rashford pourraient vite voir émerger de nouveaux autres talents Anglais à leurs côtés – Getty
Les clubs Anglais auront-ils toujours le même pouvoir d’achat ?
L’une des premières conséquence du « Brexit », sur le plan économique et monétaire a été la chute de près de 10% du cours de la livre sterling dès ce vendredi 24 juin -depuis l’annonce des résultats du référendum. Un choc monétaire qui pourrait réduire le pouvoir d’achat, sur le marché des transferts, des clubs Anglais, même avec la montée des droits télés pour les clubs de PL, mais également faire perdre de sa superbe à ce Championnat ultra-puissant sur le plan financier. Cependant, de nombreux économistes s’accordent à dire que les conséquences du « Brexit », pour les clubs Anglais voulant faire leur marché en Europe, ne seraient pas aussi grave que certains l’ont laissé entendre, puisque l’Euro pourrait lui aussi subir le contre-coup de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, car les investisseurs internationaux pourraient, à moyen terme, se détourner du projet Européen, qui en a pris un sacré coup hier.
Privilégier la formation de jeunes talents Britanniques
Cette situation plaît assez à la FA qui milite depuis plusieurs années auprès des clubs professionnels Anglais pour que ces derniers limitent l’achat de joueurs étrangers, qui barrent la route aux jeunes Anglais formés dans ces clubs. La Fédération Anglaise se réjouirait même de voir partir de nombreux joueurs Européens non-conformes (voir ci-dessus), tout en limitant l’achat de joueurs de ce type. Les jeunesse Anglaise pourrait enfin s’exprimer, ce qui profiterait aux Trois Lions, la sélection Anglaise, dépourvue de vraies stars, même si ces derniers temps ce constat s’atténue avec l’émergence de joueurs tels que Vardy, ou ceux de la jeunesse dorée (Kane, Alli, Dier, Lallana, Sterling, Rashford…). Le « Brexit »pourrait donc pousser les clubs de PL à utiliser davantage le vivier de jeunes Anglais, à l’image de Chelsea, dernier vainqueur de la Youth League (la Ligue des Champions U19), modèle en terme de formation outre-manche, même si l’apport de jeunes joueurs formés aux clubs reste limité chez les Blues…

Les Citizens (en jaune fluo) pourront défendre leur statut de demi-finalistes la saison prochaine – Getty
Les clubs Anglais continueront néanmoins à jouer les Coupes d’Europe
Même étant acté, le « Brexit » n’empêchera pas les clubs du Royaume-Uni de jouer les Coupes d’Europe organisées par l’UEFA (Ligue des Champions, Ligue Europa et Supercoupe d’Europe). Une idée validée depuis longtemps par l’instance Européenne de Football, même en cas de sortie du Royaume-Uni de l’UE. Pas de crainte, Leicester City pourra bien faire ses débuts la saison prochaine sur la scène Européenne, tandis que Manchester City, demi-finaliste la saison passée (voir image) pourra bien prendre part au barrages. Malgré tout, et c’est également ce que Karren Brady déplorait dans sa lettre aux différents présidents des clubs de football professionnels du Royaume, les supporters Britanniques souhaitant suivre leurs clubs sur la scène Européenne devront désormais s’acquitter de visas lors de leurs déplacements.
L’AVIS de la rédaction:
La Premier League ne devrait pas trop souffrir des conséquences du « Brexit » en terme de santé économique et d’image. La PL reste le Championnat le plus puissant et le plus influent de la planète (c’est aussi celui qui est le plus suivit dans le monde devant la Liga espagnole, NDLR), et ne devrait pas avoir de mal à trouver des accords avec le gouvernement et pourrait même réussir à négocier avec la FA l’annulation des « normes » très strictes visant les joueurs Européens évoluant en Angleterre. Affaire à suivre…
Source photo à la une: Gazzetta World