L’histoire entre Laurent Fignon et le Giro fut tourmentée. Fignon y est malchanceux, voire victime d’injustices, comme en 1984. Depuis cette édition, le « Professeur » boude la compétition transalpine et il fallut attendre 1989 pour que le champion français revienne et remporte enfin le Tour d’Italie. Tout particulièrement, l’étape Misurina-Corvara Alta Badia a un goût de revanche pour Laurent Fignon et ses admirateurs.
Misurina-Corvara Alta Badia: l’étape décisive du Giro 1989
Si Laurent Fignon ne remporte pas la quatorzième étape Misurina-Corvara Alta Badia, c’est là qu’il prend le commandement du Giro 1989. En effet, sa deuxième place derrière Flavio Giupponi suffit pour prendre le maillot rose. À l’arrivée, Fignon possède deux minutes d’avance sur Giupponi au classement général, et deux minutes trente sur Andy Hampsen. Il n’a donc plus qu’à gérer la dernière semaine de course grâce à cette avance confortable. De fait, Laurent Fignon gardera le maillot rose jusqu’au bout grâce à ce coup d’éclat et à sa régularité.
Cette étape marque donc le début de la domination de Laurent Fignon sur le Giro 1989. Au delà de ça, elle est une revanche pour celui à qui le Giro 1984 avait été volé, et qui avait juré ne plus y remettre les pieds. Pour rappel, son rival et vainqueur Francesco Moser avait été très favorisé par les organisateurs… En 1989 le sentiment d’injustice était encore très vivace chez Laurent Fignon qui ne veut plus que le Giro lui échappe encore.
Laurent Fignon a les jambes en feu, littéralement
La course de 131 kilomètres est l’une des plus belles de ce Tour d’Italie 1989. Cette étape de montagne se déroule aussi dans des conditions que Fignon déteste: froid et neige fondue sont au rendez-vous. Ce jour-là pourtant, Fignon a les jambes en feu, au sens propre comme au sens figuré. Pour l’anecdote, Alain Gallopin, son masseur, raconte qu’avant la course Laurent Fignon avait accepté le baume chauffant orange pour se préparer. Ce baume « Kremer » existe en trois versions: jaune, rouge et orange, selon son intensité. Habituellement, Fignon supporte à peine le jaune, il était donc déjà incroyable qu’il accepte le orange… mais sans le lui dire, Gallopin lui passe le baume rouge, le plus fort !
Laurent Fignon, une attaque incroyable
Laurent Fignon attaque à 60 kilomètres de l’arrivée, sur les pentes difficiles du Marmolada, et ce dans le brouillard et la neige fondue. Son équipier Cyrille Guimard s’en inquiète, jugeant l’attaque prématurée. 60 kilomètres c’est beaucoup, surtout avec le Pordoi et le Campolongo encore à gravir… Inquiétudes infondées, Fignon semble avoir retrouvé la forme qu’il avait lorsqu’il a dominé le Tour de France cinq ans plus tôt. Les deux seuls à le suivre sont Luis Herrera et Erik Breukink.
Le Colombien est cependant victime d’une crevaison tandis que le Néerlandais n’a plus de jambes. Giupponi, Chioccioli, Giovanetti, Conti, Hampsen et Zimmerman rejoignent Fignon dans la dernière ascension. Giupponi l’emporte finalement sur la ligne devant Fignon qui termine deuxième. Mais peu importe, pour ce dernier, l’essentiel est fait: Laurent Fignon prend définitivement l’ascendant sur le Giro 1989, et répare les injustices de 1984.
Crédits photo à la Une: Massimo Nicolodi