Aussi incroyable que cela puisse paraître, Patrick Lefevere n’a jamais remporté un seul Grand Tour depuis qu’il dirige l’équipe créée en 2003. Ses recrutements récents montrent pourtant que l’envie est présente mais encore faut-il construire une équipe taillée pour jouer le général.
Une équipe de classiques
Voire plutôt de Monuments. Ce n’est un secret pour personne, la Quick-Step a toujours eu un faible pour les classiques et les Monuments, plus que pour les Grands Tours. Dès 2003, Paolo Bettini ramenait Milan-San Remo au palmarès de l’équipe belge et il ne fallait pas attendre plus de deux ans pour voir Tom Boonen écraser les flandriennes. De la Primavera 2003 de Bettini au Ronde 2021 de Kasper Asgreen, la Quick-Step a glané vingt Monuments, un nombre exceptionnel. C’est bien sûr sans compter sur les autres classiques de la saison, le total grimpant alors.
Patrick Lefevere a ainsi décidé de miser sur les courses d’un jour, faisant de celles-ci la spécialité de la Quick-Step, crainte par tous et s’avançant sur chaque classique avec une équipe souvent composée d’au moins trois ou quatre coureurs pouvant réellement prétendre à la victoire, quitte à se brouiller parfois dans les stratégies. Mais à force de bâtir une équipe pour les classiques, les efforts consacrés aux Grands Tours n’ont jamais réellement été probants. Ce qui peut se comprendre: pourquoi changer les motivations d’une équipe qui écrase les classiques ? Sauf peut-être sur ces dernières années.
Le Grand Tour qui se fait attendre
On sait réellement dater le revirement de la Quick-Step, d’autant plus qu’elle ne faiblit pas réellement dans les courses d’un jour. Au-delà des Grands Tours, les courses par étapes n’ont jamais réussi à l’équipe belge. Aucun Paris-Nice, aucun Critérium du Dauphiné, aucun Tour de Catalogne, un maigre Tirreno-Adriatico à une époque où il n’était pas très montagneux… la Quick-Step n’a ainsi jamais pesé bien lourd sur l’issue des classements généraux. Alors, sur les Grands Tours, elle s’en est remise à ses sprinters et ses chasseurs d’étapes. Avec 99 bouquets en 52 Grands Tours, Patrick Lefevere peut être un manager comblé. Mais pas rassasié.
En 2014, Rigoberto Uran n’a rien pu faire face à Nairo Quintana qui l’a devancé sur le podium. En 2018, Lefevere a touché du bout des doigts son premier Grand Tour à la tête de l’équipe, mais Enric Mas a pris la deuxième place de la Vuelta. En 2019, la France entière et lui ont longtemps cru que Julian Alaphilippe pouvait remporter le Tour de France mais il a finalement fini cinquième. Sur le dernier Giro, le mois dernier, avec Almeida et Evenepoel, la Quick-Step s’avançait avec deux prétendants mais le premier a perdu trop de temps en première semaine malgré une fin de Giro exceptionnelle et une cinquième place finale et le second a vite craqué.
Un recrutement encore trop peu ambitieux pour espérer briller
Gagner un Grand Tour, cela ne se fait pas du jour au lendemain et nécessite, au-delà d’un coureur taillé pour l’emporter, d’une équipe qui soit à son entière disposition, ce qui n’est pas toujours le cas chez la Quick Step. Remco Evenepoel est peut-être une chance en or pour parvenir à cet objectif mais le jeune belge, malgré son talent, doit apprendre à canaliser ses ambitions et son énergie. Dès le début du Giro, il attaquait à tout va, au point de craquer dès la deuxième semaine, avant d’abandonner sur chute en fin de course.
Touche à tout, capable de briller sur tous les terrains, celui qui a déjà remporté la Clasica San Sebastian 2019 et le Tour de Pologne 2020 possède d’énormes envies de marquer l’histoire de son sport rapidement. Sa grave chute sur le dernier Tour de Lombardie, qui aurait pu mettre un terme à sa carrière, voire à sa vie, ne l’a pas arrêté dans son entreprise. Mais c’est bien Julian Alaphilippe qui sera le fer de lance de la Deceuninck-Quick Step sur le prochain Tour de France avec une chance de victoire au général qui reste très mince. A moins que…