Le Serbe Novak Djokovic, numéro 1 mondial en puissance et récent vainqueur de son 15e Majeur à l’Open d’Australie, ne bénéficie pas de la même côte de popularité que Roger Federer ou Rafael Nadal.
On peut être un des plus grands champions de tous les temps et souffrir d’un manque de reconnaissance du grand public. C’est la vie que mène le numéro 1 mondial Novak Djokovic, qui ne bénéficie pas du même soutien sur les courts que certains de ses homologues. Cela peut paraître surprenant pour un joueur qui a beaucoup travaillé son image, et dont l’humour et la sympathie sont reconnus de tous sur le circuit ATP. Explications
L’éternel troisième homme
Parmi ceux qui l’ont connu et vu au début de sa carrière, peu aurait imaginé qu’il deviendrait le joueur qu’il est devenu. En effet, le Serbe a longtemps trainé sur le circuit une mauvaise réputation. Pointé du doigts pour son comportement au début de sa carrière, il a su se défaire de son image peu flatteuse, d’abord sur les courts. Qui pourrait croire que le jeune joueur qui se faisait huer par le public de l’US Open pour son utilisation abusive des temps morts médicaux est devenu un des modèles du fairplay ? Son opération séduction, lancée après qu’il soit devenu numéro un mondial, a aussi permis d’améliorer la vision du grand public sur sa personne. Elle montra différents aspects de sa personnalité : drôle, showman (tranchant avec les personnalités plus « policées » de Roger Federer et de Rafael Nadal), polyglotte (il a notamment fait l’effort d’apprendre le français), père et mari aimant, donneur à des associations caritatives, etc. Malgré cela il n’a jamais réussi à atteindre le niveau de popularité de Rafael Nadal ou de Roger Federer et souffre d’un manque de reconnaissance du grand public. Plusieurs facteurs expliquent cela. Tout d’abord, avant 2011, l’année de son arrivée au pouvoir, le Serbe a toujours été vu comme le troisième homme derrière le duo Federer-Nadal, qui se partageaient alors les titres du Grand-Chelem et la place de numéro 1 mondial.
Une fois arrivé à leur niveau il a eu du mal à se sortir de cette image « d’adversaire », surtout vis-à-vis de Rafael Nadal. De plus, leur rivalité, et les matchs de légende qu’ils ont disputés, a aussi largement contribué à la popularité du Suisse et de l’Espagnol. La rivalité entre Nadal et Djokovic est aussi dans certains aspects du même niveau, mais elle ne pourra jamais atteindre la première citée. Elle n’a pas son romantisme, et ne représente pas l’opposition parfaite entre deux styles. Et puis les deux aînés ont tous les deux connus différents déboires qui les ont parfois plus ou moins éloignés du sommet pendant la période de domination du Djoker. Cette suprématie non partagée n’a pas aidé à améliorer sa popularité. De plus, de par son jeu de fond de court, le Serbe ne suscite pas la même attraction que ses deux homologues. Federer est le génie technique, Nadal le formidable combattant. Le métronome Djokovic est moins sexy, fait moins se lever les foules. Il est moins magnétique. Cela a même des répercussions sur les sponsors, qui sont moins nombreux à se tourner vers lui, et pour des contrats souvent moins mirobolants. Par exemple lorsque son sponsor textile était Uniqlo, la marque déboursait plus d’argent pour équiper le Japonais Kei Nishikori que lui.
Un immense champion qui ne mérite pas ça
Pourtant nous sommes bien en train de parler d’un joueur qui compte 15 titres du Grand Chelem à son palmarès, et qui est le seul de l’ère Open à avoir réalisé le fameux « Grand-Chelem », à cheval sur deux ans. Il sera d’ailleurs en course à Roland Garros pour rééditer cet exploit. Il n’aura en plus que très peu de points à défendre jusqu’à Wimbledon, ce qui lui garantit quasiment de garder sa place de numéro 1 mondial au moins jusqu’à juillet. Mine de rien, il se rapproche de plus de plus de deux records de Federer : celui du nombre de semaines passées sur le trône et celui du nombre de Majeurs gagnés. Le voilà donc lancé derrière le Suisse. Si ce dernier est certes encore en activité, il est néanmoins difficile de l’imaginer être autre chose qu’un homme de coup jusqu’à la fin de sa carrière.
Il gagnera peut être encore un Grand Chelem, mais la probabilité de le revoir au sommet du tennis mondial est faible. Si Djokovic maintient sa domination encore quelques temps, ce qui est loin d’être improbable, la possibilité de le voir dépasser Nadal puis Federer est largement envisageable. Mais inutile de se lancer dans des calculs et prédictions aussi hypothétiques. Le fait est que nous sommes face à un des plus grands joueurs de l’histoire, par bien des aspects. Sa victoire en Open d’Australie est un véritable chef d’œuvre. Il y a peut-être joué le meilleur match de sa vie en finale contre Rafael Nadal. Battre ce Nadal là nécessitait déjà de sortir un grand match, le faire de cette manière n’en est que plus phénoménal. Quelles qu’en soient les raisons, il est bien dommage de voir cet immense champion, déjà devenu une légende de son sport, souffrir de ce manque de reconnaissance du grand public, même si cela fait un moment qu’il ne court plus après selon lui.
Crédits photo à la Une: Tatiana