Dans le panthéon du tennis, l’Australie occupe une place de choix. Fournisseur officiel de légendes, le pays des kangourous peut se vanter d’avoir vu naître un nombre incroyable de numéros 1 mondiaux. En 2016, après la retraite de Lleyton Hewitt, les Australiens avaient besoin de trouver un successeur capable d’écrire l’histoire. On nous a alors rapidement annoncé le futur avènement d’un crack : le bouillant et charismatique Nick Kyrgios. En réalité, il fallait plutôt regarder du côté des femmes et s’intéresser à une certaine Ashleigh Barty. Joueuse au parcours atypique, l’Australienne n’était encore que 15e mondiale fin 2018. Mais voilà, tout s’est accéléré pour Barty en 2019. Au cours de l’année, elle a dépoussiéré les records du tennis féminin australien et s’est imposée comme la patronne du circuit WTA. Retour sur l’ascension fulgurante de la nouvelle reine du tennis mondial.
Des débuts prometteurs dans le tennis… en passant par le cricket
Née le 24 avril 1996, Ashleigh Barty est une joueuse très précoce. Passée professionnelle à 14 ans et victorieuse de Wimbledon junior à 15 ans, elle confirme très tôt son statut de prodige. Entre 2012 et 2013, la jeune Australienne est régulièrement invitée dans le tableau principal des tournois du Grand Chelem. À défaut d’obtenir des résultats significatifs en simple, elle performe extrêmement bien en double. En 2013, elle atteint notamment les finales de l’Open d’Australie, Wimbledon et l’US Open avec sa partenaire Casey Dellacqua. À 16 ans, elle devient alors la plus jeune finaliste de Grand Chelem depuis Tatiana Golovin en double mixte à Roland-Garros 2004. Grâce à ses performances, elle fait même ses débuts avec l’équipe australienne de Fed Cup.
À ce moment-là, personne ne doute de la future éclosion d’Ashleigh Barty. Son avenir semble tracé pour atteindre les sommets. Cependant, pour la jeune Australienne, tout va vite, beaucoup trop vite. L’adolescente ne s’adapte pas complètement au mode de vie d’une joueuse de tennis professionnelle. Lassée des voyages, elle décide de se retirer du circuit à 18 ans. De retour en Australie, elle surprend tout le monde en annonçant le début de sa nouvelle carrière… dans le cricket. Bien qu’elle n’ait jamais pratiqué ce sport en club, Barty démontre rapidement des qualités intéressantes lors des tests qu’elle effectue. La native du Queensland est ainsi recrutée par les Brisbane Heat, club de première division australienne. Après une saison marquée par de bonnes performances individuelles, elle comprend toutefois que son avenir se situe dans le tennis.
Un come-back brillant pour s’installer parmi les meilleures joueuses du monde
Ashleigh Barty fait son retour officiel sur le circuit WTA lors du tournoi de Nottingham en 2016. Elle s’incline alors de justesse en quarts de finale face Karolína Plíšková. Bien qu’elle ne jouera pas d’autre tournoi cette saison-là, le come-back de Barty est lancé. Classée au-delà de la 250e place mondiale début 2017, l’Australienne va connaître une ascension express. Après avoir atteint le troisième tour de l’Open d’Australie, elle participe au tournoi de Malaisie, où elle avait remporté son premier match sur le circuit WTA en 2013. Difficile de dire si les étoiles étaient alignées, mais la magie va de nouveau opérer à Kuala Lumpur. Ash, comme on la surnomme, réduit en cendres la plupart de ses adversaires pour remporter le tournoi en simple et en double. Mieux, en débloquant son palmarès en simple, elle entre pour la première fois de sa carrière dans le top 100 mondial.
Grâce à sa régularité, Ashleigh Barty monte rapidement les échelons du classement WTA. Elle termine l’année 2017 au 17e rang mondial. Ses performances en double sont également impressionnantes. Elle finit 11e mondiale de la spécialité en disputant notamment la finale de Roland-Garros avec sa partenaire Casey Dellacqua. À cette occasion, elles deviennent les premières Australiennes à atteindre au moins une fois les quatre finales de Grand Chelem en double. En 2018, Barty se distingue en remportant l’US Open avec Coco Vandeweghe. Cette victoire lui permet de décrocher enfin son premier tournoi du Grand Chelem. En simple, elle triomphe au tournoi de Nottingham et participe au WTA Elite Trophy, une compétition regroupant les huit meilleures joueuses de la saison non qualifiées pour le Masters. Elle soulève le trophée et termine l’année à la 15e place mondiale. L’Australienne ne le sait pas encore, mais le meilleur reste à venir.
Sur la route d’un premier titre du Grand Chelem en simple
Fort de son succès au WTA Elite Trophy, Ashleigh Barty a le vent en poupe début 2019. Elle commence sa saison à domicile au tournoi de Sydney. Finaliste de l’épreuve, elle marque les esprits en éliminant au deuxième tour la numéro 1 mondiale, Simona Halep. Elle enchaîne avec l’Open d’Australie où elle atteint les quarts de finale. On comprend alors que Barty est une joueuse capable de soulever les plus grands trophées en simple. Il ne faudra pas attendre longtemps avant que cela arrive. À l’Open de Miami, elle élimine trois joueuses du top 10 pour remporter son premier tournoi de catégorie Premier Mandatory. Grâce à cette performance, l’Australienne fait une entrée remarquée dans le top 10 mondial.
Malgré son nouveau statut, Ashleigh Barty ne fait pas partie des favorites en arrivant à Roland-Garros. En effet, elle n’a jamais joué de finale sur terre battue dans sa carrière en simple. Cependant, rien ne se passe comme prévu dans ce French Open. Alors que l’Australienne élimine ses adversaires avec une facilité déconcertante, les principales têtes de série tombent les unes après les autres. En huitièmes de finale, il ne reste déjà plus que trois joueuses classées dans les dix meilleures du monde. En quarts de finale, Simona Halep et Sloane Stephens chutent à leur tour. Barty est alors la dernière joueuse du top 10 encore en lice pour le titre. Elle devient favorite du tournoi.
Le couronnement historique de Barty à Roland-Garros
En demi-finale de Roland-Garros, Ashleigh Barty affronte Amanda Anisimova. La jeune Américaine est annoncée depuis toujours comme une future championne. L’issue du match semble donc très incertaine. Pourtant, personne n’aurait pu imaginer le scénario fou auquel les spectateurs vont assister. Barty entame la rencontre sur les chapeaux de roue. En 12 minutes, elle mène 5-0 dans le premier set. Mais voilà, au moment de conclure la manche, l’Australienne se crispe. Anisimova revient et l’improbable se produit : l’Américaine gagne le premier set au tie-break. Le match semble alors avoir tourné en faveur d’Anisimova. Seulement, Ashleigh Barty a de la ressource. L’Australienne va prouver qu’elle est une grande championne en parvenant à se remobiliser mentalement. Elle remporte les deux sets suivants (6-3, 6-3) et se qualifie pour la finale.
Le 8 juin 2019, Ashleigh Barty se retrouve donc sur le court Suzanne-Lenglen pour disputer le match le plus important de sa carrière. En réalité, le suspens de la rencontre va être de courte durée. Son adversaire, Markéta Vondroušová, est trop tendre. L’Australienne s’impose facilement en 70 minutes (6-1, 6-3) et s’offre son premier titre du Grand Chelem en simple. Elle accède par la même occasion au rang de numéro 2 mondiale. Cette victoire a une portée historique pour le tennis australien. En effet, Ashleigh Barty devient la première Australienne à remporter Roland-Garros en simple depuis Margaret Court en 1973. En Grand Chelem, elle succède à sa compatriote Samantha Stosur, victorieuse de l’US Open 2011.
L’avènement inévitable d’une nouvelle numéro 1 mondiale
À l’issue de Roland-Garros, Ashleigh Barty se retrouve à 136 points de Naomi Osaka au classement WTA. Deux semaines après son sacre parisien, elle remporte le tournoi de Birmingham et s’installe enfin au sommet de la hiérarchie mondiale. Barty marque alors l’histoire de son pays en devenant la première Australienne numéro 1 mondiale depuis Evonne Goolagong en 1976. Hommes et femmes confondus, l’Australie n’avait plus connu de numéro 1 mondial en simple depuis Lleyton Hewitt en 2003. Malheureusement, Barty a du mal à confirmer son nouveau statut. Après des résultats décevants à Wimbledon et Toronto, elle rend sa couronne à Naomi Osaka. Sa demi-finale à Cincinnati ne sauvera pas un été également marqué par une élimination précoce à l’US Open. Malgré tout, Osaka ne convainc pas davantage à Flushing Meadows. La Japonaise perd les points de sa victoire en 2018 et cède de nouveau la première place mondiale à Barty.
Revenue au sommet, l’Australienne saisit sa chance. Demi-finaliste à l’Open de Wuhan puis finaliste à l’Open de Chine, elle arrive au Masters en pleine forme. À Shenzhen, pour sa première apparition dans le tournoi, elle finit en tête de son groupe. En demi-finale, elle élimine brillamment la numéro 2 mondiale, Karolína Plíšková (4-6, 6-2, 6-3). En finale, elle retrouve Elina Svitolina, une joueuse qu’elle n’a jamais battue en cinq confrontations. Cette fois-ci, Ashleigh Barty domine nettement son adversaire (6-4, 6-3). Elle devient alors la première Australienne à remporter le Masters depuis Evonne Goolagong en 1976. Grâce à ce résultat, elle est également assurée de terminer l’année numéro 1 mondiale. Depuis l’instauration du classement WTA en 1975, aucune Australienne n’avait encore réussi cette performance. Enfin, sa victoire lui permet d’empocher la somme de 4,42 millions de dollars. Hommes et femmes confondus, il s’agit du plus gros prize money distribué par un tournoi dans l’histoire du tennis.
Ashleigh Barty patronne du circuit WTA : situation durable ou sensation éphémère ?
Actuellement, Ashleigh Barty culmine à 7 851 points au classement WTA. En vue de la saison prochaine, elle possède une avance confortable sur la concurrence, avec notamment 1 911 points de plus que sa dauphine Karolína Plíšková. Quart de finaliste à l’Open d’Australie 2019, Barty aura moins à perdre que la plupart de ses rivales lors du premier Grand Chelem de l’année 2020. Sauf grosse surprise, elle devrait donc rester numéro 1 mondiale quelques mois. En revanche, la suite s’annonce compliquée. Elle devra défendre ses titres à Miami et Roland-Garros pour conserver sa couronne. Va-t-elle y arriver ? C’est possible. Barty n’a disputé que quinze tournois en 2019. C’est peu. Parmi les dix meilleures joueuses du monde, seule Serena Williams a fait moins. Par conséquent, l’Australienne peut facilement consolider son avance en jouant davantage.
Néanmoins, elle devra performer plus régulièrement dans les tournois du Grand Chelem, les Premier Mandatory et les Premier 5. La véritable clé du succès se trouve ici. Cette saison, grâce à son style de jeu très complet, Ashleigh Barty a triomphé sur toutes les surfaces : dur extérieur, terre battue, gazon et dur intérieur. Avec une telle performance, la native du Queensland a démontré qu’elle possède toutes les armes pour rester la patronne du tennis féminin. Mais voilà, le circuit WTA ressemble étrangement à Game of Thrones ces derniers temps. Tout le monde peut prétendre au trône et la couronne change de tête sans arrêt. Depuis que Serena Williams a cédé sa place en 2017, sept joueuses ont déjà occupé le rang de numéro 1 mondiale. En comparaison, les hommes n’ont connu que quatre numéros 1 mondiaux depuis la prise de pouvoir de Roger Federer en 2004. Ainsi, la concurrence s’annonce rude et il est difficile de se prononcer sur l’avenir.
Élue sportive australienne de l’année, Ashleigh Barty est sans conteste la joueuse de la saison 2019. Son ascension a été impressionnante et ses succès sont mérités. L’histoire aurait pu être encore plus belle si elle avait triomphé en finale de la Fed Cup avec son pays. Malheureusement, elle a manqué l’occasion d’offrir à l’Australie ce trophée convoité depuis 1974. Malgré cela, les Australiens peuvent être fiers de leur championne. À 23 ans, elle représente clairement l’avenir du tennis féminin aux côtés de joueuses comme Naomi Osaka et Bianca Andreescu. La numéro 1 mondiale sera très attendue en janvier prochain à l’Open d’Australie. Ash pourrait faire tomber un vieux record, en devenant la première Australienne à rempoter le simple dames à domicile depuis Chris O’Neil en 1978.
Crédits photo à la Une: Claude TRUONG-NGOC