Manchester City retrouvera la Ligue des Champions la semaine prochaine. Sa double confrontation contre le Real Madrid en huitièmes de finale s’annonce lourde de sens puisque le club anglais sera exclu pour les deux prochaines saisons de toutes les compétitions européennes. Plus qu’une défaite du projet de grandeur des décideurs du club mancunien, cette décision de l’UEFA marque un tournant dans l’histoire du football.
Au revoir l’attractivité
L’épée de Damoclès ne tenait plus qu’à un fil. Vendredi dernier, l’UEFA a décidé de frapper fort en condamnant Manchester City : un club neuf aux ambitions élevées, mais dont les parts d’ombre inquiétaient les plus hautes instances du football européen. Le club anglais a été racheté par un groupe d’investisseurs venant des Émirats Arabes Unis en 2008. Dix ans plus tard, le club est valorisé à 4,8 milliards de dollars, un record dans le monde du football. L’ambition des nouveaux propriétaires est de faire des Skyblues le meilleur club au monde. Le club dynamite les différents mercatos, avec des transferts frôlant l’indécence. L’équipe actuelle, entraînée d’une main de maître par Pep Guardiola, est un mastodonte. Pourtant, le navire vient de chavirer. L’absence de Ligue des Champions pendant deux saisons va couter très cher aux Citizens. Qui de Sterling, Sané, Aguero ou De Bruyne serait enclin à poursuivre l’aventure malgré l’absence de compétitions européennes ? En dépit des joueurs déjà présents dans l’effectif, comment City pourrait être crédible dans son recrutement ? Le prochain mercato sera très instructif. Le club gardera son pouvoir financier, mais le challenge sportif restera très mince pour n’importe quel grand joueur qui rêve de trophées en majeurs. À force d’abreuver le football européen de contrats sur-mesure quasi-inimaginables pour quelconque footballeur, Manchester City s’est auto-saboté. Son attractivité en prend un sacré coup. Le projet devient toxique, car la sanction vient entacher l’image de la formation anglaise. En la désignant comme mauvaise élève en matière économique, l’UEFA a profondément mis a mal le pouvoir d’attraction de Manchester City.
L’énigme Guardiola
Interrogé il y a quelques jours concernant le match décisif qu’attend City en huitièmes de finales de la Ligue des Champions, le manager des Skyblues s’est fendu d’une déclaration pour le moins inattendue : « Si nous n’éliminons pas le Real Madrid, je serai viré. Le propriétaire ou le directeur sportif viendra me voir et me dira, « ce n’est pas suffisant, nous voulons la Ligue des Champions ». Et je lui répondrai « D’accord, merci, c’était un plaisir » ». Cette phrase résonne bien plus depuis la condamnation prise par l’UEFA. Il est vrai que la quête de la Ligue des Champions est le plus grand échec des propriétaires du club anglais. Malgré une demi-finale contre… le Real Madrid en 2016, le bilan du club dans la plus belle des compétitions n’est guère reluisant. Guardiola est-il maudit à City ? Les récentes éliminations précoces face à Monaco, Liverpool ou l’année dernière contre Tottenham, fragilisent le statut du technicien espagnol en Angleterre. Il est donc possible que la situation actuelle du club pousse Pep Guardiola à faire ses valises pour se trouver un nouveau point de chute. Son avenir reste une énigme, son salaire est mirobolant et son expertise n’a jamais été remise en question outre-Manche. Autant de liberté d’action n’existe pas dans tous les grands clubs européens. Pep Guardiola est , aussi, responsable des échecs répétitifs des SkyBlues. Certes, les titres nationaux pleuvent, mais en Premier League on ne parle que d’un seul club : le FC Liverpool. Alors oui, le départ de Pep Guardiola en fin de saison n’est pas illusoire. Il lui reste donc quelques mois pour réaliser une prouesse encore inédite à City : remporter la Ligue des Champions.
Crise de modèle
L’UEFA se sert de Manchester City pour faire passer un message clair : les grandes puissances financières ne peuvent transformer à leur guise le cours du football européen. City n’est que la tête de liste d’un conglomérat de clubs en délicatesse avec le fair-play financier. Parmi eux, le Paris-Saint-Germain, dont les investissements colossaux ont alarmé les instances dirigeantes. Pour autant, aucune sanction de ce type devrait inquiéter le club de la capitale. Pour rappel, les Citizens sont accusés d’avoir falsifié certains contrats en surévaluant plusieurs prestations. Une pratique qui avait valu une enquête préalable de l’UEFA, sans pour autant affoler les propriétaires du club. Le caractère sévère de la décision vient appuyer l’idée de sanction exemplaire. Manchester City paie pour tout le monde. Il est évident que les clubs surveillés veilleront désormais à clarifier leur situation vis-à-vis de l’UEFA.
Le club a d’ores et déjà annoncé qu’il allait faire appel au tribunal arbitral du sport mais l’issue a peu de chance de tourner en faveur des Citizens. Le pouvoir de l’argent connaît-il enfin ses limites dans le football ? L’UEFA a en tout cas décidé de taper du poing sur la table contre ces nouveaux trublions qui veulent transformer la face du football. Ces clubs participent à l’émergence d’un ressentiment contre les footballeurs et leur mode de vie jugé trop éloigné des réalités. Le « laisser-aller » de certaines équipes en matière économique décrédibilise le travail des institutions de régulation, jugées par beaucoup trop laxistes. Cette fois-ci, le coup est double. L’UEFA punit et se renforce un peu plus. Est-ce pour autant la fin de la dérégulation ? Il est encore tôt pour tirer des conclusions aussi hâtives. La sanction infligée à Manchester City n’est peut-être que la première étape d’une plus vaste opération. Son objectif : assainir le football mondial. Manchester City a longtemps été averti de ses pratiques plus que douteuses, mais n’a jamais bronché. Leur prise de risque coûtera énormément d’un point de vue sportif, mettant véritablement un coup d’arrêt aux rêves intimes des supporters mancuniens.
Le 14 février 2020 restera dans l’histoire comme le jour où l’UEFA a enfin pris ses responsabilités. Manchester City va perdre beaucoup ces prochains mois. Le club se dirige doucement vers la fin d’une époque, voire la fin d’une ère.
Crédits photo à la Une: Joshjdss