Le small ball s’est largement développé en NBA ces dernières années, notamment en vertu de la domination des Warriors de Golden State sur la ligue américaine. Entre complémentarité et efficacité, il convient d’analyser le small ball dans ses grandes largeurs pour dire s’il peut être durable ou non.
Le small ball, un schéma tactique exigeant
Trop souvent réduit à un système de jeu privilégiant les joueurs de petite taille capables de tirer de loin, le small ball est en réalité une pratique élaborée qui nécessite de mettre en adéquation de nombreux facteurs de jeu. Né et développé dans les années 1980 par le coach le plus victorieux de la ligue, Don Nelson, le small ball est mis à l’honneur par un roster NBA plus rapide que jamais. La fameuse Run TMC, du nom de la stratégie du « run and gun » (courir et tirer) et des trois stars Tim Hardaway, Mitch Richmond et Chris Mullin, a été pendant deux saisons consécutives le trio de joueurs le plus prolifique de la ligue. Durant cette période iconique de l’histoire des Warriors, le cinq de départ de l’équipe de Don Nelson ne possède aucun joueur mesurant plus de 2,05 mètres. Cette association de joueurs polyvalents et doués balle en main forme une équipe hyper dangereuse offensivement, et ce quel, que soit le joueur prêt à tirer.
Les postes traditionnels sont occultés dans cette formation des Warriors. L’équipe est alors composée de trois arrières capables d’arroser le panier adverse de tirs à trois points, ainsi que de deux ailiers faisant offices d’intérieurs, eux aussi en mesure de tirer à distance. L’habituelle transition entre les joueurs intérieurs et extérieurs ne se fait alors plus dans ce système de jeu. La polyvalence et l’uniformité rompent avec les standards physiques et stratégiques de l’époque. Le tir à distance, la mobilité et la polyvalence des joueurs sont les principaux facteurs d’efficacité de ce système de jeu surprenant et difficile à défendre pour les équipes standardisées.
Mike D’Antoni, le small ball réactualisé et optimisé
Malgré un succès certain en saison régulière, les Warriors puis les Mavericks de Don Nelson se heurtent constamment à des équipes capables de défendre le small ball en playoffs. Après un exil en Italie dans les années 1980 puis dans les années 1990 en tant que joueur puis entraîneur, le coach Mike D’Antoni dirige les Suns au début des années 2000 et pousse encore plus loin le small ball. Avec un cinq composé d’un meneur, Steve Nash, d’un pivot, Amar’e Stoudemire, et trois ailiers polyvalents pouvant occuper les postes 2, 3 et 4, la fameuse « 7 seconds or less strategy » voit le jour.
Reposant sur le jeu de passes de Steve Nash orienté vers Amar’e Stoudemire, notamment grâce au pick&roll, et vers les ailiers tireurs, la stratégie des Suns semble simpliste mais demeure redoutablement efficace. Sans prendre le temps de poser un système de jeu, les joueurs de Phoenix tentent alors un tir en moins de 7 secondes par possession de manière optimale. Le style de D’Antoni, né au début des années 2000, révolutionne alors les postes et suscite l’appréhension des équipes adverses, dans une ligue marquée par l’âge d’or des pivots de grande taille dans les années 1990.
Une redéfinition sinon une révolution des postes en NBA
Le sacre du tir à trois points et tous les changements tactiques que ce dernier a entraîné a poussé les joueurs a adapté leur jeu de manière à reconsidérer entièrement leur poste. Selon les différents small ball mis en application, si le meneur garde ses fonctions de distribution et de tir à longue distance, les rôles des arrières, ailiers et pivots sont complètement différents. Le small ball a vraisemblablement simplifié le basket. En uniformisant les fonctions des joueurs, en privilégiant la polyvalence et en préférant les petites tailles, ce style de jeu a fait que presque tous les joueurs, quel que soit leur poste, sont comparables entre eux. S’il existe toujours de nombreuses différences entre les postes et gabarits des joueurs, le small ball tend à les effacer.
C’est dans cette logique que le poste de pivot a subi une véritable transformation. La mobilité, devenue capitale dans une NBA où le ton est donné par l’engagement physique, est devenu l’un des principaux atouts recherchés par les franchises. C’est en vertu de cette capacité physique que des joueurs comme Joel Embiid (notre photo) ou Kristaps Porzingis, rapides, costauds, et dotés d’un bon tir à trois points, ont vu leur cote bondir.
Si le small ball s’est toujours illustré comme un système efficace offensivement, on lui reproche souvent un délaissement de la défense. Or, qu’on le veuille ou non, le small ball a aussi révolutionné la défense. Grâce à la multiplication de grands meneurs, d’ailiers polyvalents ainsi que de petits pivots, les différences de taille et d’envergure entre les joueurs se sont considérablement amoindries. Ce constat est à mettre en adéquation avec la capacité des joueurs à s’adapter à leurs adversaires. En effet, les équipes sont dorénavant composées de quatre joueurs (voire cinq) capables de défendre sur des postes que ne sont pas les leurs. L’utilité et l’efficacité du pick&roll ont d’ailleurs grandement contribué au développement de cette capacité à défendre tous les postes. La dynamique impulsée par le small ball a changé en profondeur la manière d’appréhender l’attaque ainsi que la défense des franchises en NBA. On distingue une très claire différence entre le basket d’avant le small ball et celui d’avec le small ball.
L’ultra small ball chez les Rockets, un système viable ?
Si la période de domination des Warriors de Golden State en NBA est considérée comme l’âge d’or du small ball, de nombreuses équipes ont renoncé à ce système de jeu. Sur la dernière saison, des équipes comme les Lakers, les Sixers et les Blazers n’ont que très peu, voire pas du tout, utilisé de système s’apparentant au small ball. Si les normes physiques et le jeu ont changé, d’autres stratégies sont tout autant viables que le small ball. Mike D’Antoni, pionnier de ce style de jeu et aujourd’hui coach des Rockets, n’entend absolument pas renoncer à ses principes de jeu.
Depuis le trade de Clint Capela à Atlanta cet hiver, Houston n’a cessé d’aligner un cinq de départ avec une taille moyenne exceptionnellement petite. Le non-recrutement de pivots mais d’ailiers forts de petite taille vont dans le sens d’un ultra small ball du côté du Texas. Avec P.J Tucker en poste 5, Covington et House en ailiers interchangeables ainsi que Harden et Westbrook aux postes 1 et 2, le joueur le plus grand de l’équipe mesure seulement 2,01 mètres. Les Rockets sont, depuis le début 2020, l’équipe qui tente le plus de tirs à trois points de la ligue, et de loin.
Les limites d’un tel système tactique
Lors du match qui les opposaient aux Knicks de New York, les joueurs des Rockets ont tenté 38 tirs à deux points contre 56 tirs à trois points. Cette statistique, aussi éloquente soit-elle, démontre à la fois l’ultime privilège du tir à trois points mais aussi le manque de diversité offensive. Avec 35,7% de réussite à trois points, les Rockets se sont, ce soir-là, inclinés au terme d’une prolongation contre l’une des pires équipes de la ligue.
Le projet d’équipe ultra small ball de Mike D’Antoni semble vraisemblablement voué à l’échec. Le manque criant de défense sur les pivots adverses de grande taille comme Rudy Gobert, Nikola Jokic ou Kristaps Porzingis représente un handicap considérable et non négligeable. Après s’être montré peu convaincant en saison régulière, ce système ne sera sans doute pas voué à la réussite en playoffs. Charles Barkley, ailier mythique des Suns, a d’ailleurs déclaré qu’il ne croyait absolument pas en la réussite des Rockets version small ball, notamment à cause des exigences de ce système en termes d’exécution et de régularité.
En définitive, le small ball a considérablement changé le visage de la NBA durant les deux dernières décennies. Le développement de ce système de jeu a entraîné un bouleversement des standards physiques au point que le basket tout entier a été repensé. Au vu de cet impact, le small ball semble toujours aussi influent et efficace pour bon nombre des franchises NBA.
Crédits photo à la Une: Keith Allison