DESTINS BRISÉS NBA – La NBA est façonnée par des trajectoires contraires et paradoxales, une ligue où tous les rêves sont permis mais où la désillusion peut être brutale. Au Stade a décidé de s’intéresser aux jeunes joueurs prometteurs qui ont vu leurs carrières vaciller: pour ce deuxième épisode de Destins brisés, focus sur le cas Brandon Jennings.
Carte d’identité – Brandon Jennings
Âge: 30 ans
Nationalité: Américain
Taille et poids: 1m85 et 77kg
Poste: Meneur
Classement à la Draft: 10e (2009)
Équipe actuelle: sans équipe
Brandon Jennings, un profil singulier dans l’écosystème NBA
Brandon Jennings est un joueur singulier ayant connu un parcours atypique avant de poser ses valises dans la prestigieuse ligue nord-américaine. Avant d’être drafté, le natif de Compton n’est pas passé par l’université (NCAA) mais par l’Europe et le club italien de Virtus Roma. Il est d’ailleurs le premier joueur de l’histoire à éviter l’université avant d’être drafté, ce qui tend à rendre son profil si original.
En 2008, le diplômé de la Oak Hill Academy découvre l’Italie où il participe à une vingtaine de rencontre avec des statistiques plus que correctes. Si ces dernières ne sont pas flamboyantes, Jennings tourne autour de 7 points de moyenne dans la ligue italienne et en Euroleague. Toutefois, un premier défaut est à remarquer dans son jeu: son adresse est médiocre et avec seulement 37% au tir et moins de 30% à trois points. Le meneur ne peut espérer plus haut qu’une dixième place à la Draft 2009.
Sélectionné en dixième position par les Milwaukee Bucks, son arrivée est attendue par les fans du Wisconsin, curieux de découvrir le jeu d’un joueur passé par l’Europe. Lors de ses grands débuts en NBA, le numéro 3 montre qu’il a du cran en inscrivant 17 points pour 9 rebonds et autant de passes décisives. Une performance proche d’un triple-double pour son premier match NBA ! Un record détenu par Oscar Robertson, il y a de cela des décennies.
Une arrivée tonitruante en NBA
Quatre matchs plus tard, Jennings montre l’étendue de son talent en réalisant la performance exceptionnelle de marquer 55 points contre les Warriors du rookie Stephen Curry. Une ligne de statistique exceptionnelle pour seulement son cinquième match en NBA: seul le géant Wilt Chamberlain a fait mieux lors d’une saison rookie avec 58 points en 1960. Avec ce match, Jennings se met directement dans la poche le public de Milwaukee grâce à un jeu caractérisé par la spontanéité et la prise de risque. Point surprenant: Jennings ne marque pas le moindre point dans le premier quart-temps du match…
Si certains observateurs n’ont retenu que la manière dont Jennings s’est démarqué face à la pire équipe en défense de la ligue, ce dernier a montré qu’il était capable d’apposer son empreinte dès son arrivée. Même si la confirmation d’une telle performance n’est pas au rendez-vous pour sa première saison, il est tout de même élu rookie du mois à quatre reprises et participe notamment au Rising Stars Challenge du All-Star Game 2010.
Véritable showman, Jennings a profité de l’occasion pour briller en scorant 22 points dans ce match de gala. Touche finale à cette première saison aboutie, il finit troisième dans la course du Rookie of The Year, derrière Stephen Curry et le surprenant Tyreke Evans. Autre fait à souligner: Jennings est le seul joueur de son équipe à avoir participé à l’intégralité des matchs de la saison régulière. En 82 matchs, Jennings totalise des statistiques très prometteuses avec, en moyenne, 15,5 points, 3,4 rebonds et 5,7 passes décisives par match.
Brandon Jennings, quand le talent ne suffit plus
Malgré une première saison très convaincante, l’adresse de Brandon Jennings lui fait encore défaut avec seulement 30% de réussite derrière l’arc. Pour cette deuxième saison en tant que sophomore, il ne répond pas aux attentes et à la pression: les Bucks manquent les playoffs et Jennings shoote toujours à moins de 40% au tir, ce qui est vraiment dommageable dans la NBA moderne où les possessions se font de moins en moins nombreuses.
Le jeu de Jennings est pourtant très adapté au small ball en vogue au début des années 2010 en NBA: il n’hésite pas à prendre des shoots à trois points en transition offensive sans se poser de questions sur la pertinence d’un tir à cette distance et sans avoir de coéquipiers au rebond. La spontanéité semble être inhérente à son jeu, avec des shoots très rapides et de très loin, à l’image d’un Stephen Curry ou plus tard d’un Damian Lillard. En revanche, si ce mode de jeu est adopté, il doit être accompagné d’une certaine adresse qui n’est pas le point fort de Jennings: même s’il parvient à scorer près de 16 points par match, les points faibles s’accumulent et tendent à faire s’éloigner ses espérances de devenir All-Star.
La saison suivante, en 2012-2013, Jennings réalise de véritables progrès en matière d’adresse avec 46% de réussite au shoot: il marque en moyenne 19 points par match et forme un duo efficace avec Monta Ellis. Pourtant, dans le même temps, les Bucks échouent lamentablement au premier tour des playoffs face au Miami Heat: une série durant laquelle Jennings enchaîne les performances catastrophiques – il est même en dessous de la barre des 30% au tir et à 21% à trois points.
Une signature prometteuse aux Detroit Pistons
En juillet 2013, Jennings est transféré aux Pistons de Détroit en échange de Brandon Knight, Khris Middleton et Vyacheslav Kravtsov. Les Pistons misent alors sur lui pour accompagner les deux stars Josh Smith et Andre Drummond afin de viser les playoffs NBA à l’Est. Lorsque Jennings arrive à Pistons, il est connu pour ses qualités offensives mais également pour ses déboires en dehors des parquets.
Véritable chambreur dans l’âme, Jennings est un grand amateur de la Drew Ligue, tournoi rassemblant professionnels et amateurs durant la trêve estivale: à l’été 2013, Jennings, amateur de trashtalking, se fait d’ailleurs gifler par Mike Taylor lors de la demi-finale de la compétition… Quelques temps auparavant, Jennings avait fait parlé de lui pour s’être battu avec le rappeur The Game dans une célèbre boite de nuit californienne. Une vie extra-sportive qui n’est pas sans rappeler celle de Dennis Rodman dans les années 1990.
Brandon Jennings, des coups d’éclat permanents
Sur les parquets, Jennings réalise une première saison moyenne avec les Pistons avec environ 15 points de moyenne par match, malgré quelques coups d’éclat. C’est le cas en janvier face aux Suns où il réalise 16 passes décisives en une seule mi-temps: il égalise par la même occasion le record du plus grand nombre de passes décisives sur une mi-temps détenu par la légende Isiah Thomas. Lors de la saison 2014-2015, Jennings trébuche avec les Pistons: il totalise en moyenne 12,7 points à 37,3% pour 30 minutes par match. Pendant ce temps, il recommence à faire parler de lui pour des problèmes de comportement plus que pour son jeu: il reçoit notamment une amende pour avoir célébré un panier de manière obscène.
Cependant, au mois de janvier 2015, Jennings augmente radicalement son niveau de jeu et réitère les exploits personnels. Face au Magic d’Orlando, il bat son record de passes décisives avec 21 unités et inscrit 24 points. Il contribue très largement à la victoire de son équipe avec une participation de 70 sur les 128 points de son équipe. Il est le troisième joueur de l’histoire des Pistons à réaliser un match en 20-20.
Cette performance traduit l’état de forme exceptionnelle de Brandon Jennings qui effectue un mois de janvier de All-Star: avec près de 21 points, 7 passes de moyenne à plus de 40% au tir, le meneur est sur le point d’emmener les Pistons en playoffs NBA. Mais, alors qu’il tend à exploiter tout son potentiel, il est coupé dans son élan le 24 janvier: lors du troisième quart-temps d’un match face aux Bucks, il se déchire le tendon d’Achille du pied gauche en voulant contester une touche. Une blessure fatale: Jennings ne retrouvera jamais son niveau d’antan.
De trade en trade, une carrière NBA en chute libre
La blessure de Jennings affecte considérablement son mental et ses capacités physiques: son jeu offensif est au ralenti sans parler de son jeu défensif, plus au moins inexistant. En 2016, juste avant la trade-deadline, Jennings est envoyé à Orlando contre Ilyasova et Harris. Son manque d’adaptation à sa nouvelle équipe ainsi qu’à son nouveau rôle de remplaçant se fait ressentir: le meneur joue moins de 20 minutes par match et ne participe qu’à 25 matchs de saison régulière. Libre de tout contrat à l’été 2016, Jennings signe chez les Knicks de New York en tant que back-up de Derrick Rose.
Il est le meilleur passeur de l’équipe mais le type de jeu ne lui convient pas, malgré un temps de jeu intéressant. Sa volonté de repartir à zéro est remise en cause. Les défaites s’enchaînent et son adresse est une nouvelle fois déplorable. Jennings n’a jamais conquis les dirigeants new-yorkais et il est coupé en février 2017: sa carrière est en chute libre, tant se faire couper d’une équipe est synonyme d’une humiliation pour un joueur de sa trempe.
Brandon Jennings, un avenir NBA en pointillés
Les Washington Wizards décident de lui donner une dernière chance mais les performances ne suivent pas. Il participe tout de même aux demi-finales de Conférence Est face aux Celtics. Il réussit à se faire remarquer par son trashtalking en parvenant à faire exclure Terry Rozier pour son dernier match. Par la suite, Jennings s’envole pour la Chine puis la D-League avant un ultime essai dans sa première équipe les Bucks, sans succès: malgré un retour explosif avec un quasi triple-double, la suite a été beaucoup plus difficile puisqu’il a été coupé peu de temps après.
Brandon Jennings est le genre de joueur qui ne laisse pas indifférent sur un parquet et de nombreux fans de NBA ont pu apprécier ses coups d’éclat comme ses excès. Véritable chambreur dans l’âme, amateur de flopping et de bagarres, Jennings possède un caractère unique qui a sans doute marqué la NBA. Poussé vers la sortie à l’âge de 28 ans, Jennings a récemment affirmé rêver d’un retour en NBA. Un come-back qui, à trente ans passés, semble inenvisageable voire impossible.
Crédits photo à la Une: Keith Allison