Du Milan-San Remo 1992 on retiendra la vertigineuse descente de Sean Kelly. Elle lui permit de vaincre, dans les ultimes instants de la course, Moreno Argentin, pourtant dominateur et qui semblait promis à la victoire.
Milan-San Remo 1992: Moreno Argentin en grand favori
Le grand favori de cette édition 1992 du Milan-San Remo était incontestablement Moreno Argentin. Avec toute l’Italie derrière lui, il était bien décidé à s’adjuger la Primavera qui manquait encore à son palmarès. Il faut dire aussi qu’il avait tous les atouts pour réussir. D’abord, il s’était extrêmement bien préparé en vue de la course, et il est arrivé très affûté. Ensuite, il disposait de la meilleure équipe du plateau (Ariostea). On sait également qu’il était l’un des meilleurs coureurs de classiques de sa génération. Enfin, avantage non négligeable psychologiquement, Argentin jouait à domicile. L’ensemble de la course se passe comme prévu, et la victoire d’Argentin semble probable.
D’abord, grâce à son équipe, Argentin verrouille le peloton, et donc la course. En prenant le commandement, il empêche toute velléité d’échappée. Cette configuration durera jusqu’à la dernière difficulté de l’épreuve: le célèbre Poggio. C’est en arrivant au pied du Poggio qu’Argentin explose littéralement le peloton grâce à une série d’attaques. Ses adversaires lâchent un par un. Parmi eux se trouvent Laurent Jalabert, Jim Van de Laer, Steven Roocks. Parmi eux se trouve aussi le discret Sean Kelly (Festina), vétéran de bientôt 36 ans et déjà vainqueur de la classique italienne en 1986. Comme il l’affirme dans Hunger (Faim en français), son autobiographie, il ne cède pas à la panique et décide de ne pas attaquer. « Le Milan-San Remo signifie attendre son moment, économiser son énergie et éviter de devoir faire un grand effort« , écrit-il… Argentin franchit le sommet avec dix secondes d’avance, mais avec des forces entamées.
La descente étourdissante de Sean Kelly
Lorsqu’on pense à des hauts faits dans le cyclisme, on pense plutôt à ce qui se déroule dans les ascensions. Parfois, comme c’est le cas ici, c’est dans la descente que cela se passe. La descente du Poggio de Sean Kelly fait partie des actes les plus impressionnants du genre. La descente de Kelly a beaucoup fait parler. D’aucuns pensent que ce fut une folie, une prise de risque insensée. Toujours dans son autobiographie, l’auteur de la performance dément pourtant. Il explique en effet que tout était sous contrôle. Notamment, il a demandé à ses mécaniciens si les boyaux avaient été bien collés. L’Irlandais avait ainsi l’assurance de pouvoir aller à la limite dans les virages de la descente. En tout cas, sa descente fut impressionnante, et a créé la surprise.
Alors qu’Argentin descendait en pensant certainement la victoire acquise (San Remo se situe en bas de la descente), Sean Kelly fond sur lui et le rattrape. En bas, Argentin l’incite à attaquer, mais Kelly sait qu’il doit se préserver pour la dernière ligne droite, et c’est ce qu’il fit. Sean Kelly remporte la victoire au sprint devant Argentin. Ce dernier voit là une belle occasion de remporter la classique s’échapper, devant son public dépité. On sait rétrospectivement qu’il ne remportera jamais le Milan-San Remo. Kelly quant à lui jette une dernière lueur dans le crépuscule de sa carrière… et remporte même une magnifique montre grâce à un pari fait la veille à propos d’une éventuelle victoire de son équipe.
Crédits photo à la Une: Eric HOUDAS