Alors que la formation espagnole Movistar s’apprêtait à lancer sur le Tour de France 2018 deux poids lourds en les personnes d’Alejandro Valverde et de Nairo Quintana, Mikel Landa est venu ajouter son grain de sel quant à une probable participation à la Grande Boucle. Si cela est bien le cas, la gestion de ces trois egos risque d’être compliquée.
Trois egos à la recherche de victoires
Loin d’un statut d’équipier où le sacrifice est de mise, Alejandro Valverde, Nairo Quintana et Mikel Landa sont d’insatiables compétiteurs à la recherche de victoires, l’ambition de Quintana étant peut-être moins visible que celle des deux autres. En d’autres termes, le résultat de la gestion de ces 3 cas semble quelque peu impossible à prévoir, un peu comme anticiper ses gains après avoir joué aux machines à sous en ligne… Cependant, il faut dire que le Colombien a une image peu flatteuse parmi les suiveurs du cyclisme, celle d’un coureur attentiste attendant chaudement dans les roues et répondant aux attaques plus qu’il n’attaque lui-même. Et pourtant, comment ne pas imaginer une seule seconde que Quintana ne soit pas ambitieux, lui qui est considéré depuis longtemps comme une future star du cyclisme ? La star, il l’est déjà avec un Giro et une Vuelta à son palmarès même si un autre statut l’attendrait s’il parvenait à remporter le Tour de France. Pourquoi pas cette année ? Il serait alors le premier colombien en jaune sur les Champs-Élysées le 29 juillet prochain, neuf jours après la fête nationale colombienne. Tout un pays semble derrière son champion même si la performance d’Uran sur le Tour de France 2017 (deuxième place et une victoire d’étape) vient rappeler que la concurrence interne est présente au sein des Colombiens, toujours présents sur les courses cyclistes mais toujours à la recherche d’une première lanterne sur le Tour de France pouvant les guider dans les succès futurs et avec un Egan Bernal, assurément que le futur de la Colombie dans le cyclisme semble bien dessiné.
En effet, Quintana doit donc composer avec une concurrence interne à son pays pour devenir le premier coureur colombien à remporter le Tour. Mais il doit également faire face à une compétition interne à son équipe avec la présence d’Alejandro Valverde, qui a toujours été dans ses pattes depuis ses débuts à la Movistar en 2012. Inutile de présenter l’ego de Valverde, lui qui a déjà levé les bras deux fois cette saison. L’Espagnol est un compétiteur à la recherche de la victoire sur chaque course pendant toute une saison et il se verrait bien, alors que la fin de sa carrière approche, remporter le Tour de France, même si cela semble compliqué au vu la concurrence de la génération qui le suit. Néanmoins, sa participation semble assurée et il ne devrait pas être qu’un simple équipier. En 2015, le duo Quintana-Valverde avait été une déception, incapable d’attaquer Froome, aussi parce qu’aucun des deux ne voulait se sacrifier pour l’autre. Au final, le Colombien avait terminé deuxième et l’Espagnol troisième… tous deux derrière le Britannique, peu inquiété sur cette 102e édition.
Depuis cette année, la donne change car ce n’est plus un duo d’ego que la Movistar pourrait gérer en juillet prochain mais un trio avec l’arrivée de Mikel Landa durant le mercato. Après avoir rongé son frein chez Sky dans l’ombre de Christopher Froome, l’Espagnol fraîchement arrivé n’a pas tardé à afficher ses ambitions pour la saison 2018: « mon objectif est le Tour de France », avait-il déclaré en décembre dernier lors de la présentation des équipes. Nul doute que cette phrase est un message lancé à Quintana et Valverde pour leur dire qu’il faudra bien compter sur lui, que l’on pensait plutôt se diriger vers le Giro pourtant. Fin octobre dernier, Landa avait déjà eu une petite embrouille avec le Colombien, déplorant son accueil dans la Movistar par ce dernier qui avait réaffirmé son statut de grand leader de l’équipe dans une interview accordée à un journal colombien. Si Landa venait réellement à participer au Tour de France, la Movistar pourrait avoir une armada de rêve comme elle pourrait s’embourber dans une bataille d’ego ingérable.
Faut-il remettre en cause la légitimité de Quintana ?
Si l’on prenait les performances du dernier Tour de France, Landa serait l’incontestable leader de la Movistar pour le prochain Tour de France. Quatrième en aidant Froome en même temps, l’Espagnol avait alors clairement montré ses capacités, pouvant même accrocher le podium à une seconde près, une seconde qu’il aurait facilement pu aller chercher en montagne s’il n’avait pas été si fidèle que cela à Froome. C’est aussi pour être plus indépendant qu’il a quitté la Sky. Étrange alors que son choix se soit porté sur la Movistar qui est déjà bien fournie. Cependant, le cyclisme ne marche pas comme ça. Tout d’abord, nous n’avons pas pu tester Alejandro Valverde qui est parti trop prématurément sans finir la première étape. Blessé dans sa chute à Düsseldorf, l’Espagnol avait réalisé pourtant une période des classiques encore une fois insolente de réussite et se présentait sur le Tour avec de réelles intentions.
Quant à Quintana, son année 2017 fut une énigme, battu par moins fort que lui en montagne sur le Giro et transparent sur une Grande Boucle qu’il a fini à une décevante douzième place. En 2018, le Colombien ne refera pas cette erreur, son objectif est clairement et uniquement le Tour. Mais la Movistar commence à s’impatienter après quatre tentatives infructueuses de Quintana, deuxième en 2013 et 2015, troisième en 2016 et donc douzième l’année dernière. La légitimité de ce dernier baisse, d’autant plus que Valverde est en droit de demander à avoir un statut plus important que celui de deuxième leader après les échecs répétés du Colombien sur les routes de France. S’il en a l’occasion, Valverde n’attendra pas Quintana. La venue de Landa n’est par ailleurs pas anodine, elle est une pression supplémentaire mise sur Quintana, pression d’autant plus grande si l’Espagnol venait à participer au prochain Tour de France. Lui non plus n’attendra pas Quintana si celui-ci lâche en montagne.
Néanmoins, la Movistar n’esseulera pas le Colombien. La stratégie qui semble se dessiner est claire et devrait faire comme principale victime Alejandro Valverde qui, à 37 ans (38 ans le 25 avril 2018), n’offre pas les mêmes garanties physiques que ses deux coéquipiers. Quintana et Landa devraient être les deux gros leaders, chacun protégés par un équipier de luxe et Valverde sera le troisième larron dans les fins d’étape pour tirer l’un des deux leaders s’il venait à craquer. Avec trois potentiels vainqueurs finaux, le but est donc celui-ci: esseuler Froome en épuisant son armada. La Movistar est bien décidée à gagner son premier Tour de France depuis que l’équipe se nomme ainsi en 2011 après avoir longtemps été tenue en échec par la Sky qui traverse une tempête en ce moment après le contrôle anormal de Froome sur la dernière Vuelta.
Crédits photo à la Une: Pymouss